"> Ought - Room Inside The World - Indiepoprock

Room Inside The World


Un album de sorti en chez .

Troisième album des Canadiens, celui de la consécration ou du compromis fatal ?

La trajectoire du jeune groupe canadien Ought est de celles qu’on voyait relativement claires avant que les pistes se brouillent. Démarrée avec un brûlot activiste qui tenait du manifeste, le groupe aurait pu en rester là. La publication d’un second album dessinait donc une volonté de s’inscrire dans la durée mais mettait surtout en exergue la place centrale occupée par son leader Tim Darcy qui, avec sa gouaille bavarde, à l’instar du récemment défunt Mark E. Smith de The Fall, était de ceux prompts à mettre une formation en rangs serrés autour de leur seule personne. Et quand Tim Darcy a annoncé la publication d’un album solo l’an dernier, on s’est légitimement demandé si quelques divergences de points de vue n’avaient pas éclaté au sein du groupe. Et c’est paradoxalement là que la trajectoire bifurque. En effet, l’opus solo de Darcy s’est finalement révélé un exercice de style assez étriqué qui ressemblait avant tout à un « pas de côté » anecdotique et Ought n’a pas tardé, dans la foulée, à annoncer son troisième album. La signature chez Merge et la publication du premier single, These 3 Things, étaient à même de nous laisser penser que le groupe avait décidé de prendre une nouvelle dimension commerciale, en laissant de côté sa singularité pour livrer une new-wave arty, moins bavarde, moins radicale quelque part du côté des Talking Heads. Et puis, ultime coup de volant, le second extrait, Disgraced In America, même s’il présente une facette plus posée du groupe, renoue avec l’urgence et un côté brut de décoffrage. Avec tout ça, on avait sincèrement de quoi se demander où Ought allait atterrir et même s’ils allaient arriver quelque part avec « Room Inside The World ».

Au final, même si l’album est propre à susciter le débat entre ceux qui resteront viscéralement attachés au côté « rock activiste » des débuts et d’autres qui loueront la capacité du groupe à se renouveler et à se tourner vers autre chose, impossible de ne pas reconnaître qu’ils s’en sortent sacrément bien. Parce qu’ils ne renient pas leur côté intello et citent volontiers des figures comme Gehrard Richter comme inspiration et sont toujours à même de livrer des morceaux comme Disaffectation, portés par les guitares et un chant tendu à souhait. Mais aussi parce qu’ils parviennent à les faire cohabiter avec des pièces comme Desire, splendide ballade sombre magnifiquement interprétée par un Tim Darcy qui va chercher des inflexions inconnues chez lui jusque-là. Et c’est d’ailleurs bel et bien la voix et la présence de Tim Darcy qui symbolisent à la fois l’évolution du groupe tout en servant de fil conducteur entre ce qu’ils font aujourd’hui et leurs productions précédentes. Ainsi, si Tim Darcy n’a pas tout changé dans sa façon de chanter, que parfois les mots se bousculent dans sa bouche, il élargit considérablement sa palette et, surtout, se cale sur les dynamiques imposées par les synthés et les guitares de ses compères quand, auparavant dominait le sentiment que les musiciens devaient s’adapter à sa « métrique ». Le groupe sait aussi laisser de côté les morceaux trop brefs, mettre un peu plus d’emphase dans ses tempos, et parvient ainsi à installer une véritable musicalité sans oublier de faire « claquer les guitares » sur Take Everything ou Pieces Wasted. En plus d’être une des plus belles réussites de ce début d’année, « Room Inside The World » remet les compteurs au point : non seulement le groupe n’a pas perdu sa boussole, mais il entame avec brio une seconde phase de sa carrière.

Rédacteur en chef
  • Publication 1 456 vues21 février 2018
  • Tags OughtMerge
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Tracklist

  1. Into the Sea
  2. Disgraced in America
  3. Disaffectation
  4. These 3 Things
  5. Desire
  6. Brief Shield
  7. Take Everything
  8. Pieces Wasted
  9. Alice

La disco de Ought

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