Quatrième album du combo arty radical de Detroit.
Quand on parle de musique indé, on est conscients que la notion est à géométrie variable et qu’il ne faut pas trop restreindre le cadre de ce dont on veut parler. Ou, plus subtilement, on peut avoir une idée précise de ce dont on parle, mais ce ne sera pas forcément évident pour tout le monde. Cependant, si on voulait donner un exemple de ce qu’est la musique indé, il est un courant qui, de Black Flag à Sonic Youth en passant par The Fall ou Sebadoh a traversé les décennies avec les mêmes ingrédients, la même intransigeance : voix blanches, guitares acérées, propos intello-arty, production brute et sans artifices. Aujourd’hui, avec les Canadiens de Ought, Protomartyr sont certainement les meilleurs représentants de cette veine. Sur « Relatives In Descent », son quatrième album, le premier publié par Domino, preuve que l’aura du groupe ne cesse de s’accroître, la troupe de Detroit menée par Joe Casey prouve que cette veine est très loin d’être obsolète et a même certainement encore de belles heures devant elle.
En termes de propos, Protomartyr ne se situe pas très loin de Godspeed You! Black Emperor, à la différence notable que, là où les Canadiens ont décidé de se passer de paroles, on a parfois le sentiment qu’un album entier ne suffit pas à contenir tous les mots que le groupe aurait voulu y mettre. Tout au long de « Relatives In Descent », il sera donc question de la grande angoisse existentielle liée à un monde globalisé, de la gentrification des villes qui exclut les plus pauvres, de l’édifiante crise de l’eau à Flint (le groupe est de Detroit et si vous ignorez de quoi il est question, une recherche sur le web ne manquera pas de vous interloquer), etc. Le génie, ou tout au moins le savoir-faire de Protomartyr réside dans une faculté à imbriquer forme et fond, au point que comprendre les paroles devient presque accessoire. Le phrasé puissant et implacable de Joe Casey suffit à laisser paraître colère, urgence ou fatalité sur A Private Understanding et My Children, annonce le déluge ou joue l’apaisement sur Windsor Hum. Derrière lui, les riffs de guitare et le jeu de batterie sont absolument impeccables, ce qui donne aux compositions du groupe une efficacité sans égal, tantôt dans le sprint sur Male Plague ou la machine à pogo qu’est Don’t Go To Anacita, tantôt dans l’emphase et la radicalité pure sur Up The Tower.
On en viendrait presque à se dire que la seule limite de « Relatives In Descent » tient dans la capacité de l’auditeur à encaisser les uppercuts enchaînés et les diatribes de Casey quand Night-Blooming Cereus nous cueille avec un synthé qui remplace la guitare, qui reviendra néanmoins en fin de parcours, et un rythme plus aéré qui finit de démontrer que Protomartyr maîtrise de mieux en mieux son art. Quelle que soit la vivacité musicale d’une époque, il est toujours bon d’avoir des repères, des figures de proue qui entretiennent la flamme de ce qu’est la contre-culture et le rock indé dans sa définition la plus pure. Si vous la cherchiez encore, arrêtez-vous, vous la tenez : elle s’appelle Protomartyr.
- Publication 2 185 vues6 octobre 2017
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Tracklist
- A Private Understanding
- Here Is The Thing
- My Children
- Caitriona
- The Chuckler
- Windsor Hum
- Don’t Go To Anacita
- Up The Tower
- Night-Blooming Cereus
- Male Plague
- Corpses In Regalia
- Half Sister