"> Shame - Drunk Tank Pink - Indiepoprock

Drunk Tank Pink


Un album de sorti en chez .

7

Le second album de Shame, juste à temps pour ne pas se faire doubler par la meute ?

D’abord, commencer par rendre à Shame ce qui est à Shame. Il y a trois ans, à la sortie de « Songs Of Praise », leur premier album, les Anglais sonnaient la première salve de la vague d’albums post-punk au sens large qui allait déferler et a connu un pic en 2020. Goat Girl, Idles, Fontaines DC, Murder Capital, pour n’en citer que quelques-uns, côté british, ont en effet animé ces deux dernières années et ont été plus actifs que Shame, au point que les Londoniens se retrouvent aujourd’hui à sortir leur second album alors que Fontaines DC ou Idles en comptent déjà respectivement deux et trois au compteur. Alors certes, la musique n’est pas une course de vitesse ni une compétition mais, dans un tel contexte, difficile voire impossible de ne pas considérer cet album à l’aune de ce que d’autres groupes nommés ont produit dans un laps de temps plus resserré. Avec, en fond, la question consistant à savoir si Shame tergiversaient sur la forme à donner à ce second opus après le succès de « Songs Of Praise ».

De fait, la première surprise quand démarre Alphabet, qui ouvre « Drunk Tank Pink », c’est la sensation d’entendre un titre à la façon d’Idles, en légèrement édulcoré. Moins furieux dans le jeu de batterie, moins grondant niveau voix, mais une façon de scander assez typique, tout comme la sécheresse générale. Si la suite ne fait en rien ressembler ce second album à une singerie du combo de Bristol, la volonté d’épaissir le trait, de mettre davantage de tension et de radicalité dans la machine est manifeste. Il est vrai que le groupe s’était distingué par un côté assez canaille et un sens, sinon du tube, du titre séduisant sur « Songs Of Praise », et on peut se demander si « Drunk Tank Pink » n’est pas pour eux l’expression de leur craintes de passer pour les petits bourgeois de la nouvelle vague post-punk, plus préoccupés par le succès de leur formule que par un sentiment d’urgence. Quoi qu’il en soit, cet album s’avère moins avenant que son prédécesseur. Faut-il s’en désoler ou s’en féliciter ? Là n’est pas tant la question. Certes, on sent le groupe habité par une volonté de fuir le trop évident, le trop mainstream diront certains, mais faire de l’abrupt sans autre ambition, ça n’a pas de sens non plus.

Sur les premières écoutes, et même un peu après, c’est un peu l’impression qui domine. Charlie Steen se démène, derrière, les riffs de guitare sont raides, la batterie au cordeau, mais ça tourne un peu à vide. Il n’y a ainsi pas grand chose à retenir de Nigel Hitter ou Born In Luton. Mais, à mesure que l’album avance, on sent que Shame n’a pas conçu « Drunk Tank Pink » avec pour seule ambition de s’acheter une crédibilité. Le coeur de l’album est ainsi assez passionnant. Le groupe cherche en effet à varier ses dynamiques, à jouer les ruptures, à mélanger des textures de guitares qui entrent en collision et donnent de l’épaisseur à l’ensemble. Snow Day et ses cinq minutes sont ainsi tout à fait bluffantes. Un bon riff pour commencer, un chant d’abord parlé, bien soutenu par la basse, puis, sans crier gare, le chaos avec une voix toujours aussi teigneuse, et puis ça repart avec un rythme différent, puis ça continue… En cinq minutes, on a un condensé d’urgence et de virtuosité musicale. En toute fin d’album, on va retrouver les mêmes critères sur Station Wagon. Avant cela, avec Human, For A Minute, le groupe réussit parfaitement le morceau plus apaisé pour reprendre son souffle après Snow Day. Basse chaloupée, chant à la fois apaisé et séducteur, tempo parfait pour le moment, rien à redire. Sur Harsh Degrees, on renoue avec un schéma plein de tension, mais avec plus de concision, sur une dynamique plus classique mais avec toujours des textures sonores ambitieuses, à la fois directes, tranchantes et complexes.

Enfin, dernier aspect à prendre en compte, celui du propos développé dans les textes. Car, si « Drunk Tank Pink » est indéniablement l’album d’un groupe qui s’est posé pas mal de questions sur la direction à prendre et ne réussit pas tout, l’aspect est plutôt bien illustré. Il faut se rappeler qu’il y a trois ans, Shame étaient quasiment encore des ados. Et « Song Of Praise » était l’illustration de l’insouciance qui accompagne cette période de la vie. Trois ans plus tard, ils ne sont évidemment pas devenus des vétérans, mais il n’en reste pas moins qu’ils ont atteint un âge où on se pose de toute façon des questions. Que ce soit sur Human, For A Minute, Station Wagon ou l’autobiographique Born In Luton, les textes explorent ce passage de l’adolescence à l’âge adulte avec toutes les interrogations qu’il soulève. « Drunk Tank Pink » gagne ses galons via la sincérité qu’il dégage et une vraie épaisseur dans le propos. Et, si c’est un album inégal, il révèle aussi, dans ses meilleurs moments, un groupe qui en a sous le pied.

Rédacteur en chef
  • Publication 1 064 vues18 janvier 2021
  • Tags ShameDead Oceans
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Tracklist

  1. Alphabet
  2. Nigel Hitter
  3. Born in Luton
  4. March Day
  5. Water in the Well
  6. Snow Day
  7. Human, for a Minute
  8. Great Dog
  9. 6/1
  10. Harsh Degrees
  11. Station Wagon
  12. Alphabet - Demo
  13. Nigel Hitter - Demo
  14. Born in Luton - Demo
  15. March Day - Demo
  16. Water in the Well - Demo
  17. Snow Day - Demo
  18. Human, for a Minute - Demo
  19. Great Dog - Demo
  20. 6/1 - Demo

La disco de Shame

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