Sleaford Mods

Signé par Rough Trade, le duo n'a rien perdu de sa hargne brillante et dangereuse.

Le passage de Sleaford Mods sur une structure conséquente, même si indépendante, pouvait laisser craindre un changement de cap néfaste à la virulence comme à la singularité de leur musique. De fait les premiers titres plairont à ce public « massif » que l’album ne manquera pas de toucher. Mais peu à peu l’identité rageuse et confidentielle du duo refait surface. La puissance hypnotique, la violence sociale, l’intransigeance musicale de la formation sont bien là. « English Tapas » est un disque âpre et incendiaire, celui que l’on attendait après l’EP « T.C.R » .

Sleaford Mods est l’une des seules formations en activité à être capable de sublimer l’ordinaire, de souligner avec autant d’acuité et de force l’absurdité d’une époque, où le sens s’étiole dramatiquement. Bande-son au ras du trottoir, d’une banalité qui ne l’est que pour ceux qui ne souffrent pas ou qui ne veulent pas voir un monde populaire qui s’effondre et disparaît.

Sleaford Mods devient peu à peu une sorte de groupe emblématique, comme seule la Grande-Bretagne sait en créer. Un groupe phare générant une énergie aussi intense que consciente où la colère légitime est parfaitement canalisée par l’invraisemblable flow de Jason Williamson et la musique redoutable d’Andrew Fearn qui explore notamment l’electro, la drum, le garage-rock. Un rouleau compresseur concassant, broyant les contradictions, les impasses, les tensions d’une société chauffée à blanc, prise dans des tâches répétitives et désormais précarisées.

Sleaford Mods incarne ainsi à merveille cette course folle, souvent insensée, et interroge également le cirque du show bizness, grand pourvoyeur – comme seule consolation au déclassement – d’images iconiques dont on ne sait plus si elles libèrent ou enferment.