"> Tom Bodlin - Et Les Pauvres Trouvent Le Moyen De Rigoler - Indiepoprock

Et Les Pauvres Trouvent Le Moyen De Rigoler


Un album de sorti en chez .

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Revoilà Tom Bodlin, son talent et sa folie, grandioses de leur état!

La folie, le talent et l’originalité de Tom Bodlin vous ont déjà été contés sur indiepoprock, en cette période mars/avril saturée de sorties musicales, le Nantais nous offre une nouvelle étape de sa désarmante discographie. Après un “Comme je descendais des fleuves impassibles” orchestral, presque aérien, l’artiste replonge ici dans un propos (musical et littéraire) bien plus organique et heurté, une sorte de démarche indus/noise avec instruments à vent et cuivres.

Le Lac ouvre le bal sur une rythmique syncopée et un chant habité presque funky, animal. « Sans bras sans jambes, comment vais-je m’évader? », sur un tempo oppressant, l’ambiance de l’opus est brossée: des textes hallucinés qui trouvent pourtant un écho de l’ordre de l’instinct, léchés par un panel sonore extrêmement riche, dont la maîtrise permet de peindre des tableaux complexes et particulièrement à propos. Je suis dans tes yeux « et j’ai froid », on enfonce le clou avec, une partie instrumentale descendant directement d’un univers « Waitsien« , une sorte de jazz psyché baroque, ponctuée par un texte et son interprétation violents dont les impacts incisifs apportent une seconde rythmique, industrielle. Tobby sauve Thomas lui, nous ferait presque penser une version revisitée du « Sacre du Printemps » de Stravinski, par se flûtes rebondissantes et son ampleur orchestrale; un titre encore une fois prétexte à des paroles des plus fantasmagoriques et furieusement charnelles. L’instrumental Get Up And Turn The Vinyl s’inscrira dans la démarche du titre précédent, léger et ambitieux à la fois, entretenant le déséquilibre sémantique de l’album par une sorte d’anachronisme entre le titre et le contenu. Il a bu est le chef-d’oeuvre dans le chef-d’oeuvre. Son écriture évoque une poésie à la fois stellaire et insalubre usant d’allitérations, assonances, et jeu de mots subtils aux impacts ultra-efficaces à la grâce d’une symbiose parfaite avec le phrasé de l’interprète. Côté instrumental, tout est dans le jeu de miroir entre l’explosion contenue et le silence, agrémenté de captures sonores telles que ce qui semble être l’aiguisement d’une lame. Dormir Mille Ans semble constituer le paroxysme dans la démarche d’écriture, sale, noir et organique, le corpus est constitué de « chair », « de sang », pour un homme qui « aspire au néant ». Musicalement, il y a aussi une sorte de jusqu’au-boutisme, tout dans le heurt, Dormir Mille Ans sera certainement le titre le plus inaccessible de l’album, et du coup, peut-être le plus jouissif. « Herbe Molle Herbe Molle Herbe Molle Herbe Molle Herbe Molle Herbe Molle Herbe Molle…. », oui, Absurde Angoisse est une hallucination constante, un enchevêtrement de boucles electro/vaudou, avec comme thématique la peur d’une nature détraquée, où la frénésie de sonorités indistinctes achève cette ambiance de « Vol au-dessus d’un nid de coucou ». L’album s’achève comme le précédent, sur une mise en musique d’un poème d’Arthur Rimbaud, Mes Petites Amoureuses, un hommage à ce qui semble être une influence majeure de l’écriture du chanteur. On y trouve une forme de perfection dans le jeu sur les sons et un champ lexical magnifiant laideur et rebut organique. Pour l’occasion l’artiste choisit un accompagnement particulièrement épuré et vaporeux, mais toujours à susciter l’inconfort.

Philip K. Dick employa jadis le terme d’esprit chtonique, pour décrire un personnage faisant surgir malgré lui des vérités et des angoisses enfouies dans les souterrains de l’âme, ceci sous couvert d’apparats tenant du divin. Et bien au sens de Monsieur K. Dick, Tom Bodlin est comme un multi-instrumentiste chtonique, le seul de son espèce.

PS: N’étant pas à une particularité près, aucun sillon ne sera creusé sous les à coup de « Et Les Pauvres Trouvent Le Moyen De Rigoler », pas même une version numérique. Qu’un tel opus ne trouve autre chose que du streaming comme distribution, prouve à lui seul, de notre point de vue, la morosité de l’industrie musicale. L’homme étant passé à d’autres projets lives (plus expérimentaux…) s’est donc tourné vers cette solution, merci à lui de ne pas avoir confiné ce superbe opus à ses archives personnelles.

S’il ne devait en rester qu’un titre : Il a bu.

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Tracklist

  1. Le lac
  2. Je suis dans tes yeux
  3. Tobby sauve Thomas
  4. Get Up and Turn the Vinyl
  5. Il a bu
  6. Dormir mille ans
  7. Absurde angoisse
  8. Mes petites amoureuses