Le second album de la mini-sensation de 2022.
Il y a deux ans, l’année démarrait à peine que Yard Act, groupe pas loin d’avoir été monté de toutes pièces et qui s’était fait remarquer via quelques tites distillés en 2021, éditait un premier album, « The Overload », destiné à en faire une des hypes annoncées de l’année. Soit, grosso-modo, le motif qui, en 2024, a prévalu pour The Last Dinner Party, les deux formations partageant d’ailleurs le même label, il n’y a pas à proprement parler de hasard. Pour revenir à Yard Act, le groupe de Leeds surfait sur la vague post-punk, tendance light avec des titres essentiellement portés par la gouaille sarcastique de James Smith, leur leader, et des dynamiques assez rondes qui évoquaient Pulp en un peu plus speedé, pour faire simple. Une formule pas déplaisante, pas super emballante non plus. Tout ça pour dire que, si Yard Act a obtenu un vrai succès en Angleterre et dans d’autres contrées, celui-ci est resté par chez nous plus modeste et on ne trouve pas ça anormal. Car si « The Overload » était globalement un bon disque, ce n’était pas non plus un album à même de marquer fortement une année musicale et de donner envie d’y revenir plus que nécessaire. La sortie de ce second album nous apparaissait ainsi comme légèrement anecdotique.
Revient néanmoins l’habituelle interrogation sur la direction que va choisir un groupe sur son second album après avoir connu un succès inaugural, entre volonté de continuité ou tentative de contre-pied. Dès la première écoute, « Where’s My Utopia » tombe dans la seconde catégorie. Conséquence, vont fleurir un peu partout des commentaires comme quoi Yard Act jouent l’audace, la prise de risques, la fuite en avant, termes à eux-seuls susceptibles de décréter que ce second album est réussi. C’est toutefois un peu plus compliqué. Précisons d’abord que, dans le propos, le groupe de James Smith n’innove en rien puisqu’il glose sur le tourbillon du succès de masse, la culpabilité de se complaire dedans quitte à tourner le dos à ses principes et idéaux, etc… Ensuite, il faut encore une fois rappeler que les membres de Yard Act ont globalement la trentaine et n’ont ainsi pas forcément grandi avec Pulp, The Fall ou d’autres formations dites post-punk dans les oreilles. En outre, on retrouve à la production de l’album Remi Kakaba Jr dont le principal titre de gloire est de faire partie de Gorillaz, qui, pour le pire et le meilleur, enfin surtout le pire, s’est échiné à faire une synthèse bancale entre la pop, le hip-hop, l’électro…
De fait, « Where’s My Utopia » contient essentiellement des moments qui peuvent rappeler Gorillaz, Beck, éventuellement The Streets, bande-son crédible de la jeunesse des membres de Yard Act. Avec au final un résultat bancal et très inégal. Il y a ainsi des titres sur lesquels le groupe fait chalouper ses mélodies sur des dynamiques ou un phrasé hip-hop se heurte à l’énergie du post-punk avec bonheur, notamment Grifter’s Grief ou encore Dream Job, quoique ce dernier titre soit déjà plus convenu. Il ya également des titres desquels se dégagent de bonnes idées, comme l’inaugural An Illusion, qui prend une belle ampleur quand le refrain gentiment psyché est repris en choeur et que de jolis arrangements de cordes viennent souligner l’ensemble. Et puis il y a un certain nombre de gadins, plus ou moins volontaires. We Make Hits est ainsi clairement un single en puissance qui clignote beaucoup trop avec son refrain archi-convenu et son énergie forcée. Down By The Stream, beaucoup trop bavard et sans réelle idée hormis un flow soutenu tourne à vide, le spoken word du bien trop long Blackpool Illuminations suscite un ennui assez mortel. A l’arrivée, plutôt qu’une évolution audacieuse pour un second album, « Where’s My Utopia » ressemble davantage à un premier album bis dans lequel Yard Act continue d’étaler ses influences, sans beaucoup maîtriser les choses.
- Publication 1 122 vues4 mars 2024
- Tags Yard ActIsland Records
- Partagez cet article