"> Interview (fleuve) de Fakear - Indiepoprock

Interview de Fakear

Interview (fleuve) de Fakear

Pour nos lecteurs qui ne te connaissent pas encore assez, même s’il y a eu une chronique de Sauvage sur le site, peux-tu te présenter, qui se cache derrière Fakear ?

Je m’appelle Théo, j’ai 23 ans, je suis ancien étudiant, tout juste. Et maintenant je fais de la musique sous le nom de Fakear. Ça fait 5 ans je crois. Je ne saurais pas vraiment comment qualifier ma musique mais c’est un truc électro un peu large entre Bonobo, Rone, Flume etc… Je suis autant influencé par Ninja Tune et les anciens trucs un peu old school, que par ce qui se fait de nouveau, je citerais bien Point Point aussi parce que c’est des potes et des influences.

 

Tu dis que ça fait 5 ans à peu près que tu fais de l’éléctro. Avant tu jouais dans un groupe de rock, pourquoi être passé à l’électro, comment s’est fait ce changement ?

Parce que j’arrivais pas à trouver ma place ou à m’exprimer vraiment au sein d’un groupe. J’arrivais pas tellement à affirmer un caractère, à dire ce que j’avais à dire. Et du coup je me faisais un peu bouffer par ça, et donc je suis parti et j’ai commencé à faire de la musique tout seul. Au début j’ai continué à jouer dans des groupes tout en faisant ma musique en parallèle et puis c’est devenu de plus en plus prenant. Et là je suis devenu Fakear.

 

Et donc t’es passé à l’électro parce que tu penses que pour t’exprimer t’es mieux tout seul ?

Ouais c’est ça en fait c’était pas vraiment le fait de passer à l’electro, c’était plus le fait de faire de la musique tout seul. Et pour faire de la musique tout seul j’avais besoin d’un ordinateur pour m’enregistrer et faire plusieurs instruments en même temps. Et du coup comme j’avais pas de batterie j’ai dû enregistrer moi même un truc qui pouvait ressembler à une batterie, des claps ou des trucs comme ça. Et sans forcément écouter de l’électro je me suis mis à faire quelque chose qui ressemblait à de l’électro, sans avoir cette culture là au départ. Et ça a donné Morning in Japan par exemple. Un truc complètement basique, j’ai pas de basse donc je vais en faire une au synthé, je vais enregistrer la guitare, j’ai pas de batterie je vais faire des samples pour remplacer et faire une batterie. Je voulais chanter à la base sur Morning in Japan et j’ai pas aimé ma voix donc je l’ai enlevée et j’ai pris la voix de quelqu’un d’autre parce que c’est les mêmes codes que la pop-rock, c’est un truc qui me parlait. Et du coup c’est bidon, c’est facile, une guitare, une basse, une batterie, comme un morceau d’un groupe de pop sauf qu’il y a des bouts d’autres trucs. Et donc c’est devenu de l’électro.

 

Comment tu bosses, comment tu trouves de nouveaux trucs ?

J’ai pas de technique en fait, je me dis jamais « faut que je trouve un nouveau truc ». J’ai besoin de le faire c’est tout. Quand je commence, j’ai plein d’idées mais j’en garde très peu que j’étoffe après, donc y a pas tellement de méthode. Des fois je me mets devant mon ordinateur et en 4h c’est fait, des fois ça prend 4 jours. Mais en fait à chaque fois je m’y mets parce que j’ai besoin de faire un morceau sinon je tombe malade ou un truc comme ça.

 

Tu disais que c’était pour apaiser les gens que tu faisais de la musique mais en fait on a l’impression que pour toi c’est la même chose.

Ouais carrément, c’est une méga thérapie, j’ai besoin de faire ça et donc je le mets en musique et si ça peut faire le même effet aux gens en face, c’est le plus beau cadeau du monde. C’est un énorme fantasme de pouvoir faire du bien aux gens avec de la musique qui moi me fait du bien.

 

Donc pour toi on voit bien que faire de la musique c’est indispensable mais j’ai lu qu’au départ c’était pas ce qui te branchait, tu voulais pas être musicien. Donc pourquoi tu t’es lancé, ça a marché alors tu t’es dit que ça pouvait le faire ?

Ouais c’est un peu ça, ça encourage. Au début j’ai commencé à faire des trucs, un peu de live, j’ai fait un tremplin à Caen, je l’ai gagné. Et puis ça a continué à monter… J’étais pas contre ce truc là mais c’était plus mon rêve de Collège/Lycée. Et du coup je me disais que c’était un peu irréaliste. Je voulais me concentrer sur autre chose et essayer de développer mes compétences dans le son, et puis continuer à faire de la musique de mon coté parce que j’en ai besoin. En fait ça m’est un peu tombé dessus, le projet a grossi de lui-même et moi je l’ai regardé en disant « putain, qu’est ce qui m’arrive ». C’est trop bizarre.

 

En même temps vu la façon dont t’en parles, on a l’impression que tu y serais venu de toute façon avec cette idée de thérapie etc…

Vraiment, après j’ai eu trop de chance, parce que j’aurais pu aussi continuer à faire ça en tant que thérapie dans mon coin.

 

Tu penses que ça aurait le même impact pour toi de le faire tout seul chez toi et de l’écouter dans ton ipod, ou que le fait de partager, ça change quelque chose ?

Franchement je sais pas, c’est intéressant comme question mais je sais pas… Est-ce que ça aurait le même impact si je faisais ça pour moi tout seul ? Forcément que non parce qu’il y a un coté hyper encourageant dans ce que les gens donnent et du coup ça me stimule pour faire des morceaux un peu différents. Mais quand j’écoute mes morceaux, je les écoute pas en pensant aux gens. Quand j’écoute mes propres morceaux, je pense pas aux réactions des gens en live. Je pense à ce que ça m’évoque, aux images que ça m’apporte. Quand ils commencent à trop m’évoquer les gens j’arrête de les écouter. J’écoute plus La Lune Rousse par exemple, jamais. J’écoute pas Neptune. En fait j’écoute très peu « Sauvage ». J’écoute beaucoup plus Dark lands.

 

Finalement c’est ce qui à le plus marché ou en tout cas qui est le plus diffusé, le plus connu. Tu penses que c’est pour ça que ça te plait plus ?

Non parce que par exemple Darjeeling et Tigers ceux là je les écoute encore, je les joue et je kiffe trop de les jouer.

 

Du coup en live tu joues plus La Lune Rousse ? 

Si si bien sûr ! Non mais si carrément, mais c’est juste que, moi, je les écoute plus pour le plaisir. Mais j’adore les jouer ! Par contre Damas je le joue pas parce qu’il me gave ! Pourtant les gens le connaissent, c’est un des morceaux qui est mis en avant. Mais moi il me gave du coup j’arrête de le jouer. Je joue pas les remixes non plus parce que je me dis que les gens qui se déplacent pour voir Fakear, j’ai envie de leur donner plus que les remixes même s’ils les aiment et les attendent. J’ai l’impression de pas mériter les applaudissements à la fin si je joue un remix, le boulot était déjà fait derrière, et moi j’ai juste mis un beat dessus et quelques sons de Fakear, mais c’est tout. Du coup moi j’ai envie de leur donner des morceaux qui sont pas connus ou des trucs qui sont pas sortis.

 

Mais quand tu dis que tu rajoutes juste deux trois beats et quelques sons de Fakear, c’est pas vrai, c’est carrément une autre musique, c’est du Fakear.

Ouais c’est vrai. Mais je sais que c’est un peu bizarre de pas jouer les remixes mais en fait c’est un truc que j’ai jamais fait. C’est parce que ça me transporte moins. Je suis moins dedans, et du coup les gens sont moins dedans etc… J’aimerais sortir du truc où on se dit qu’on va voir Fakear parce que c’est cool d’aller voir Fakear. J’ai envie que les gens écoutent ma musique pour de bonnes raisons.

 

J’ai remarqué un autre élément, tu as sorti 8 EP, ça fait beaucoup, pourquoi pas un album ?

Parce que je me sentais pas prêt, je manquais de maturité…

 

Pour toi tu peux sortir un EP comme ça, c’est vraiment différent d’un album ? Quand tu sors 8 sons sur « Sauvage », c’est presque un album, non ?

« Sauvage » est arrivé à un moment où je commençais à me sentir prêt pour l’album et finalement c’est encore un EP dans le sens où y a aucune continuité. C’est n’importe quoi, y a un morceau dans tel genre, un autre dans un autre, c’est totalement éparpillé. Quand tu l’écoutes d’une traite, quand tu l’as fini, t’as pas l’impression d’être parti quelque part et d’être revenu. En fait là t’écoutes du Fakear et ça c’est hyper-adolescent, c’est hyper spontané, mais j’aimerais concrétiser quelque chose de beaucoup plus long et de beaucoup plus cohérent, et jusqu’à maintenant, je me sentais pas du tout prêt, pas assez sage, pas assez mature…

 

Du coup le prochain truc que tu sors c’est un album ou au dernier moment tu vas dire, non je sors encore une EP ?

Peut-être mais de toute façon si c’est un EP, ça annoncera vraiment un album, c’est sûr, j’en viens à l’album. J’ai trop envie.

 

Pour toi un album doit être vraiment un voyage unique et pas plein de petits bouts de voyages éparpillés.

Ouais, mon objectif en faisant une musique c’est que je parte dans un endroit et que je revienne. Et j’ai cette même conception de l’album. Mais c’est un voyage beaucoup plus long. On part loin, longtemps et on revient. Et j’ai envie de faire ça. Un EP, c’est plus pour rouler les mécaniques. Tu dis « voilà je sais faire telle ou telle chose et je peux t’emmener ici ou là » avant de choisir l’endroit où tu vas définitivement emmener les gens et faire un truc plus long. Pour l’album, fallait déjà que je choisisse l’endroit où emmener les gens et je pense que je l’ai trouvé. Donc je continue à bosser dessus.

 

J’ai aussi lu que tu aimais beaucoup voyager. Et tu as dis « la musique est toujours influencée par le voyage ». Du coup comment tous ces voyages ont-ils influencé ta musique ? Qu’as tu puisé dans tes voyages ?

J’ai surtout puisé des images et des ressentis. J’étais en voyage souvent dans des conditions un peu à l’arrache, en stop et sac à dos… etc. Donc je garde surtout un feeling général, en revenant j’ai souvent gardé ce sentiment d’être perdu, d’avoir faim, ce sentiment d’être perdu dans un endroit où personne ne parle ta langue, d’être un peu seul… Et c’est ça qui va rester dans ma musique. Je me suis aussi demandé quel était le point commun entre tous mes voyages et ce qui m’a surtout marqué. Et je pense que c’est ce sentiment de n’être rien face à un truc beaucoup trop grand. Tu as juste le sentiment d’être broyé dans une machine trop grosse. Et c’est ce sentiment là que j’amène et que j’essaye de mettre en musique et je vais essayer de le conjuguer avec des images que j’ai d’autres pays. Mais un imaginaire. Au Japon avant d’y aller j’avais déjà fait un son qui parlait de ça. C’était vraiment l’imaginaire qui m’alimentait.

 

On ressent aussi pas mal d’influences orientales, et tu dis que ta musique relie l’Orient et l’Occident. Pourquoi l’Orient ?

Justement, c’est l’imaginaire du truc. Parce que je trouve ça beau. Je crois que c’est vraiment la meilleure réponse que j’ai. C’est tout, c’est parce que je trouve ça joli. Et parce que c’est un peu moins connoté et que je me sens un peu plus libre avec ces samples là. Mais ouais, c’est beau quoi !

 

J’ai aussi remarqué que tu aimais bien partager ta musique avec d’autres artistes, que ce soit pour des remixes ou des premières parties. Par exemple t’as fait la première partie de Flume, Wax Taylor, Breton, etc… Y a un groupe avec qui tu rêverais de bosser comme ça ?

Bah c’est déjà fait en fait, mon rêve c’était de faire la première partie de Bonobo et je l’ai fait, c’était aux Folies Bergères là y a trois semaines. Et c’était ouf, tu vois, je peux mourir tranquille ! Franchement c’était mon rêve d’ouvrir pour Bonobo, le mec qui m’a trop influencé et qui m’a donné le goût de cette musique là. Je peux être peinard maintenant !

 

Et cette semaine tu étais au Grand Journal dans la rubrique « Presque Célèbre ». Alors ça te fait quoi d’être presque célèbre ?

En fait j’en sais rien, je le conçois pas parce que je fais pas du tout gaffe. J’ai regardé parce que ça me fait rire, après le Grand Journal je suis passé 17eme du top Itunes d’un coup, et je trouvais ça ouf parce que ça te flatte trop l’égo mais finalement je suis pas hyper attentif à ce qui se passe, j’essaye pas d’appréhender, je me dis pas « ok y’aura combien de personnes ce soir » ou des trucs comme ça…

 

Pour toi la médiatisation c’est pas très important ?

Si c’est mortel tu vois parce que c’est une énorme porte ouverte sur les gens, et finalement plein de gens vont découvrir Fakear, écouter la musique ou pas… Mais bon je m’en fous un peu, dans ma musique ça fait rien. Je me considère pas plus talentueux parce que je suis passé au Grand Journal, je ferai la même musique et je resterai la même personne. Après c’est trop bien pour le projet Fakear en lui-même. Je me dis « Ok je suis passé au Grand Journal », c’est trop bien mais pourquoi prendre la grosse tête, mes morceaux sont pas mieux parce que je suis passé au Grand Journal.

 

Ton but c’est que les gens viennent dans ton univers, tu veux pas t’imposer chez eux, tu veux pas te formater… T’as pas envie de te prendre la tête avec ça en fait.

C’est clair je m’attends à rien et puis quand ça arrive je suis hyper content mais c’est tout, et puis après ça retombe et je refais ma musique. J’essaye d’éviter cette sorte de poudre aux yeux et de me dire « Bon, La Lune Rousse c’est quand même de la merde » parce que c’est ce que je me dis actuellement, vraiment, actuellement je me dis non pas de la merde mais bon La Lune Rousse c’est hyper adolescent, un peu jeune, je vais essayer de faire mieux. Je vais essayer de faire un morceau que je trouve plus mature, plus intéressant à écouter qui va être plus cohérent. Je trouve plein de défauts dans la Lune Rousse, je trouve plein de défauts dans mes morceaux d’avant. Du coup pour mon album j’aimerais vraiment faire quelque chose de cohérent en entier et de différent de ça. Tu vois les nouveaux morceaux que je joue ce soir c’est vraiment très différent de ce que je faisais, y a beaucoup moins de voix, moins de connotations pop, c’est limite un peu plus house, un peu plus dansant mais en même temps vachement organique. C’est hyper différent mais je m’y retrouve presque plus finalement, enfin en ce moment.

 

Et juste pour en finir avec le Grand Journal, tu avais cité Jungle, Bonobo, Radiohead, est-ce que Fakear c’est au milieu de tout ça ? Qu’est ce que tu prends dans ces groupes pour faire ta musique ?

Le gars du Grand Journal m’avait demandé de citer trois groupes mais pas trois groupes que j’écoute en ce moment, des groupes qui ont changé ma vision de la musique en quelque sorte. Tu vois, Jungle ça m’a mis une claque, Bonobo il m’a aussi mis ma claque et Radiohead aussi à l’époque mais c’était en 4eme et les Pink Floyd ont fait ça aussi. Et du coup on voit pas forcément tout de suite ces influences là mais elles sont présentes, dans les accords, dans mes lignes harmoniques… D’ailleurs j’ai dit Radiohead mais j’aurais presque plus pu dire les Floyd. Et dans la scène actuelle, Flume m’a mis une belle claque, ce mec arrive à mettre le monde à ses pieds tout seul en disant « voici le son pour ces trois prochaines années » mais j’en suis revenu, j’ai juste pris la poudre aux yeux qu’il a envoyée à tout le monde mais là j’en reviens. Je me dis, Flume c’est cool, il est trop fort mais c’est pareil c’est un premier album…

 

Donc tu penses que Jungle ça t’as plus mis une claque que Flume ?

Non mais c’est un truc que j’écouterai beaucoup plus longtemps parce que Flume quelque part il a un truc de génial, il a une puissance incroyable, c’est un génie ce type mais son album tu l’écoutes en entier tu te dis qu’il faut arrêter d’écouter de la musique, tu fais une pause pour t’en remettre alors que Jungle tu peux écouter, écouter, écouter…

 

Pour finir j’ai une dernière question, c’est un peu ma question fétiche. Est-ce que tu as une question que je ne t’ai pas posée que personne ne t’a jamais posée et que tu aimerais qu’on te pose un peu ?

Ouais peut-être je sais pas… Qu’est ce que tu penses du teaser du Star Wars 7 ? C’est une question qu’on m’a jamais posée et pourtant j’aimerais vraiment qu’on me la pose. Je suis archi fan de Star Wars et là j’ai adoré. En fait j’ai pas trop aimé les épisodes 2 et 3, c’est trop bien au niveau de l’histoire mais c’est pas du bon cinéma, c’est vraiment le blockbuster de base et c’est con parce que Lucas avait vraiment créé quelque chose de ouf avec le 4, 5, 6 et là pour moi le 7, que ce soit pas Lucas qui le réalise, c’est déjà un bon point. Et ce teaser il est cool au sens ou il rétablit un peu l’image de Star Wars. Star Wars c’est dégueulasse et il faut que Star Wars ce soit dégueulasse. C’est pas un truc tout brillant, super propre avec des Jedi qui se disent des trucs mystérieux. Non, Star Wars c’est Yoda, complètement gâteux, qui dit n’importe quoi, et puis il y a trois Jedi dans la galaxie qui se battent en duel, en plus ils sont complètement cons. Et puis c’est dégueulasse, tu sais y a des mercenaires qui boivent de la bière, tu vois ça c’est cool ! Ça c’est Star Wars, les vaisseaux sont pourris et tombent en panne tout le temps… et pour moi il faut que le 7 ce soit ça !

 

On fini sur du cinéma ça change un peu ! Bon en tout cas merci d’être resté un peu plus longtemps que prévu, c’est cool.

Merci à toi et à tout à l’heure alors !

 

 

Interview réalisée le 19 décembre à Lyon.

Merci à William pour sa participation !!!

Chroniqueur
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