"> Interview de Pollyanna - Indiepoprock

Interview de Pollyanna

Après une première expérience de groupe à Marseille, Isabelle Casier s?est installée à Paris et a repris du service, seule, à la guitare acoustique. Deux ans plus tard, elle a rencontré David Lopez, venu la seconder au sein de Pollyanna. Cette collaboration s?est depuis stabilisée et s?est fendu l?automne dernier d?un charmant « Whatever they say I?m a princess« , premier album teinté d?une mélancolie légère mais hautement contagieuse, terrassant les c?urs tendres comme les durs à cuire. Rencontrée quelques jours avant un test live positif réalisé au Nouveau Casino, Isabelle Casier, colonne vertébrale de Pollyanna, s?est soumise à l?examen médical d?Indiepoprock. Une visite anodine chez le généraliste qui a vite tourné à l?auscultation introspective.

Pollyanna, c?est donc un projet solo élargi, un duo ou un groupe ?
C?est un duo, qui a commencé comme un projet solo avec des collaborations régulières. Mais maintenant, il y a bien deux membres permanents, même si nous partons toujours de mes propres compositions.

A l?avenir, le nombre de musiciens pourra-t-il évoluer ?
Oui, mais cela n?est pas à l?ordre du jour pour l?instant, cela dépend des rencontres et de nos besoins. Ceci dit, le disque a déjà été enregistré il y a un an, et c?est vrai qu?on aurait envie d?évoluer, d?étoffer notre musique.

Tes influences musicales semblent tout de même reposer sur des artistes solo, souvent des voix féminines d?ailleurs ?
C?est vrai que j?aime bien les songwriters folk. J?ai toujours aimé les guitares acoustiques plus voix. Mais cela ne m?a pas empêché d?écouter des choses très variées, comme des musiques traditionnelles ou world. Mon père joue de la musique bolivienne, style qui m?a donc longtemps accompagné. Ado, j?ai aussi eu une période hard-rock. Et depuis une dizaine d?années, j?écoute surtout du rock indé, que ce soit des choses acoustiques ou agressives dans le son. Si on nous compare souvent à des folk-singers, je pense que cela tient à notre formule. Et puis cela dépend des influences des musiciens avec qui on joue : David écoute aussi beaucoup de musiques acoustiques, comme Elliott Smith.

Avec quel(le) artiste souhaiterais-tu interpréter une de tes chansons en duo ?
Je n?en sais rien. Je ne me suis jamais posé la question. C?est dur, il y en aurait plein !

Comment es-tu venue à la musique et à la composition ?
Il y avait toujours des instruments à la maison. J?ai voulu faire de la guitare, alors j?ai commencé à jouer sur la guitare classique familiale à partir de 12-13 ans. Puis je me suis acheté une guitare folk, qui me sert toujours pour les concerts, à l?heure actuelle. Et j?ai très jeune eu l?idée de mettre des mélodies sur des paroles. J?écrivais des chansons pour les anniversaires, les fêtes de famille. A l?adolescence, j?ai commencé à explorer des thèmes plus personnels. J?ai donc toujours écrit, même si cela pouvait parfois se limiter à deux notes et deux phrases !

Tu chantes en anglais et on te sent évidemment très marquée par la culture indé anglo-saxonne. Mais tu es également très liée à certains artistes d?ici comme Dominique A ou Françoiz Breut, qui chantent en français. Te sens-tu proche du patrimoine musical français ?
Oui et non. J?ai commencé à apprendre l?anglais vers 7 ou 8 ans, car j?habitais Calais et j?allais souvent outre-Manche. Très vite, j?ai donc écrit mes chansons en anglais, parce que cela m?amusait, même si je ne connaissais que trois mots. L?anglais n?est donc pas une facilité, c?est un instrument à part entière, une matière sonore et artistique. C?est une langue que tout le monde parle un peu, mais très mal et j?aime écrire autour de cette idée. Par exemple, la chanson Cow-Boys m?est venue comme cela. C?est un mot que l?on utilise aussi en français, c?est devenu une sorte d?élément galvaudé de la culture anglo-saxonne.
Ceci dit, cela ne m?a pas empêchée d?écouter beaucoup de chanson française, de vieux disques des années 60 et 70. Pour ce qui est de la variété, il y a beaucoup de choses qui ne me touchent pas. Je ne m?identifie pas du tout au côté poseur et marketé de la nouvelle chanson française. Je pense que Dominique A ou Françoiz Breut sont, eux, plus proches de la démarche que j?ai.

Parlons de l’album. Dans quelles conditions et dans quel état d?esprit a-t-il été composé ? A l?oreille, on imagine une ambiance nocturne et mélancolique?
Oui, il y a de cela. Certaines chansons sont anciennes (5-6 ans), d?autres ont quasiment été improvisées pour l?enregistrement. J?ai toujours un tas de titres qui traînent et nous les enregistrons en fonction des envies. De toute façon, l?état d?esprit change, en fonction des époques de composition des titres. Il y a donc des titres intimistes, d?autres qui font plutôt appel à mon regard sur le monde.

L?album reste relativement homogène mais on remarque que des morceaux très dépouillés côtoient des titres plus arrangés. Est-ce un choix ?
Certaines chansons ont été composées quand j?étais seule et ni moi ni David n?imaginions d?arrangements, donc elles sont restées en l?état. Ce sont des respirations sur le disque. Même si notre musique sera amenée à évoluer, il restera toujours des titres comme cela. C?est un bel exercice.

A ce propos, quelle direction souhaites-tu prendre à l?avenir, notamment sur le plan des arrangements ?
Nous allons peut-être chercher à progresser avec notre violoncelliste car, sur l’album, cela relevait souvent du bricolage. La prochaine fois, nous ferons donc un travail en profondeur sur l?arrangement. C?est David qui gère cela, en ce moment il achète des instruments comme un glockenspiel, un ukulele, un banjo. Il faudra aussi enregistrer une vraie batterie, avec une grosse caisse. C?est donc une phase d?expérimentation. Pour l?instant, j?ai quelques chansons que nous devrons travailler cet été, avec peut-être quelques ajouts électroniques, mais rien de sûr.

Ce prochain album sortira-t-il sur Eglantine Records ou êtes-vous en quête d?une diffusion plus importante ?
Non, nous resterons sur Eglantine. Je crois qu?on ne pourrait pas trouver mieux ailleurs. Nous avons trouvé un bon équilibre avec ce label. Il n?y a pas de pression, on rentre dans nos frais. J?espère que nous pourrons progresser tout doucement. La diffusion avec Eglantine n?est pas si limitée car l’album est disponible en ligne. Mais c?est vrai que nous n?avons pas de couverture médiatique. Cela ne nous empêche pas d?avoir de bonnes chroniques, hors mis un ou deux échos négatifs, mais sur des médias très confidentiels. Pour l?instant nous sommes tous petits, donc les retours sont limités. D?autant plus que nous chantons en anglais donc nous avançons tout doucement et c?est vraiment à nous de nous débrouiller, mais cela nous convient.

Vous avez d?ailleurs déjà fait quelques concerts à l?étranger. Comment se sont-ils passés ?
Très bien. Les gens nous achètent toujours plus de disques à la fin des concerts. Certainement parce qu?ils craignent de ne plus pouvoir les trouver ensuite. Et pour le coup, le chant en français n?est jamais mal vu à l?étranger. En Allemagne ou en Hollande, les scènes folk indé sont plus présentes, les réseaux sont plus dynamiques, ce qui nous permet de payer notre tournée. Nous avons par exemple joué deux fois à La Haye et, la seconde fois, le public était plus nombreux.

Tes textes évoquent souvent le sentiment de séparation, de solitude et tu emploies fréquemment la première personne. Tu recherches donc la même authenticité et la même épure dans tes textes que sur le plan musical ?
Oui. Mais malgré l?usage de la première personne, mes textes ne sont pas automatiquement autobiographiques. Le « je » est aussi un masque, je parle un peu de moi et beaucoup d?autres personnes. J?aime bien prendre des bouts de conversation, des choses un peu personnelles que disent les gens. Je les prends, je les sors du contexte et je recrée des ambiances, des humeurs, plutôt que d?affirmer des choses très explicites. Je travaille à partir de ce que j?entends au bureau, dans l?actualité, dans la rue et je le transpose dans une sphère intime. Mais j?essaie d?aborder d?autres thèmes que l?amour malheureux, toujours de façon un peu épurée, pour que chacun puisse ensuite interpréter le texte à sa façon, en y mettant l?histoire qu?il souhaite. Parfois, il y a aussi des pointes plus politiques dans mes textes, mais cela reste discret. Par exemple, l?ambition et la violence sociale qu?elle peut générer est un thème exploré dans Iron Man.

Le mot Pollyanna est le titre d?un roman américain. Mais dans Pollyanna, il y a aussi Polly. Rien à voir avec PJ Harvey ?
Non. C?est un hasard, mais ça tombe bien quand même !

Dans ce roman, le personnage de Pollyanna est une petite fille orpheline, qui évoque la candeur, la pureté, la quête d?idéal. Ce sont des éléments que tu revendiques ?
Oui, tout à fait. Tous mes textes ont un côté désabusé, ils expriment cette naïveté qui s?use au fur et à mesure des épreuves. Le nom de Pollyanna m?a été proposé par une amie, car le personnage du roman n?arrive justement pas à se débarrasser de ses illusions. Donc c?est un clin d?oeil, par rapport à la tonalité inverse des textes. C?est ironique ! Ma musique ne paraît pas très drôle au premier abord, mais elle l?est un peu finalement, en cherchant bien !

L?identité de Pollyanna oscille donc tout le temps entre minimalisme et ornementation, innocence et amertume. Pourquoi toujours cette ambivalence ? Est-ce un équilibre que tu recherches ou bien un choix que tu n?arrives pas à faire ?
Je ne sais pas. Tu sais, nous enregistrons les chansons sur le vif? Mais tu mets peut-être le doigt sur quelque chose qui se précisera avec la maturité. Il faut aussi voir que j?ai enregistré le disque seule, pour partie. David est arrivé en cours. Le prochain album sera donc plus homogène.

Tes livre et disque du moment ?
Un livre que l?on m?a prêté : un recueil de nouvelles d?Isaac Bashevis Singer, « A friend of Kafka and other stories ». Comme disque, depuis deux jours, j?écoute le nouveau Great Lake Swimmers.

Chroniqueur
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