"> Interview - Le duo folk français Midget ! - Indiepoprock

Interview de Midget !

Interview - Le duo folk français Midget !

Voir aussi la chronique de l’album Lumière d’en Bas, qui vient de paraître chez We Are Unique ! Records.  Crédit photo : Julien Bourgeois.

 

L’album semble trouver un équilibre délicat sans aucun faux pas, qui absorbe l’auditeur… Avez-vous beaucoup expérimenté pour trouver cet équilibre sonore ?

Mocke : On a effectivement exploré pas mal de pistes avant de se décider sur notre orientation sonore. On avait très envie de faire de la musique ensemble, d’en créer ; cela au moins était une évidence mais il ne suffisait évidemment pas de mettre en commun nos univers propres, il fallait inventer quelque chose d’hybride, une troisième personne, qui ne pouvait qu’être vaguement monstrueuse car contenant en puissance et en valeur absolue chacun de nous.

Avez-vous beaucoup réécouté Lumière d’en Bas depuis que vous l’avez terminé ? 

Claire : Non absolument pas. Quand on a reçu le disque on l’a regardé sous toutes les coutures mais on ne l’a pas écouté et on ne s’est donc rendu compte que quelques jours plus tard qu’il y avait eu un problème de fabrication et que l’une des chansons était complètement tronquée !

On a suffisamment passé de temps dessus auparavant, la réalisation de cet album s’étale sur une longue période, il y a dessus des morceaux qu’on a écrits, et même enregistrés il y a plus de deux ans ! si l’on rajoute à ça les étapes intermédiaires telles que le mastering qui nous forcent à réécouter les morceaux jusqu’à plus soif, je pense qu’il est assez sage de mettre un peu de distance entre nous et eux pour un certain temps, histoire de ne pas saturer complètement ..

 Mais je suis sûre qu’un jour j’aurai envie de le réécouter, peut-être quand on sera plus avancés dans l’écriture du deuxième, pour mettre les choses en perspective ?

Que vouliez-vous accomplir avec cet album ? 

Claire : Accomplir quelque chose, je ne sais pas … Je ne crois pas qu’il y ait eu au départ de vision d’ensemble ou d’objectif à atteindre.  Nous avons d’abord cherché à comprendre ce que donnait la rencontre de nos mondes respectifs, trouver à quel endroit ils s’accordaient le mieux, ça n’a pas été immédiat, ni fulgurant, il a fallu chercher, creuser patiemment, élaguer certaines choses, trouver notre identité propre, les points d’équilibre délicats … voilà c’est plutôt cette recherche-là dont l’album est le fruit.

C’est le premier album de Midget ! Vous devez avoir beaucoup appris pendant l’enregistrement…

 Claire : C’est à dire que nous ne partions pas tout à fait du même point, tous les deux. En ce qui me concerne, oui, j’ai beaucoup appris en regardant Mocke faire, il a un mode de fonctionnement bien à lui pour tout ce qui regarde le son, la manière de capturer la musique. J’ai beaucoup appris parce qu’auparavant je n’avais comme rapport à cela que l’expérience de m’enregistrer moi-même de la manière la plus simple qui soit, (une piste de guitare et quelques pistes de voix ) sans aucun souci de qualité sonore, dans l’unique but de fixer les chansons que j’écrivais quelque part.

Au cours de toute cette période où nous avons enregistré les morceaux (nous-mêmes sans aucune intervention technique extérieure), j’ai compris que la façon de faire de Mocke était à peu près aux antipodes de ce que font les gens en studio normalement. La première chose qu’il recherchait, c’était la magie. Il s’est trouvé que j’enregistre une voix avec un micro pourri juste pour voir comment fonctionnaient les paroles sur le morceau, en trente secondes sans réfléchir autrement à la qualité de mon interprétation, et qu’il me dise, « on garde celle-là, elle est magique ». J’ai dû un peu lutter avec les idées toutes faites que j’avais, à savoir qu’on pouvait forcément faire mieux au bout de la dixième fois, qu’avec un micro un peu moins cheap (encore qu’on n’était pas doté de toute façon de matériel de pointe technologique ! ) ça « sonnerait mieux »; et puis petit à petit je me suis débarrassée de ces idées, j’ai compris, non pas qu’il avait raison car il n’y a pas de vérité en la matière, mais qu’en tout cas, pour la façon dont moi j’envisageais la musique, cette approche-là était la plus juste.

La subtilité des harmonies frappe. Le changement est incessant, on croirait même que vous changez de tonalité régulièrement au cours d’un morceau…

Mocke : C’est qu’on aime bien les harmonies qui se frottent et les bouleversements radicaux de tonalité… l’enjeu étant toujours de créer une sorte de joliesse malgré les dissonances. On est très attachés à la pop mais lassés des règles harmoniques et automatismes ou clichés qui en découlent souvent. On préfère se livrer à une sorte de jeu combinatoire. 

Mocke, peux-tu décrire en quoi tes autres projets Holden et Arlt, s’éloignent ou se rapprochent de Midget! comment ils influencent ton jeu au sein de ce nouveau groupe? 

Holden est mon groupe historique et il a très longtemps été le seul vecteur par lequel je m’exprimais au niveau de la composition et de l’écriture. Mais les enjeux ne sont pas les mêmes que dans Midget, en grande partie parce que Claire et Armelle sont deux personnes très différentes.

La personnalité et la voix d’Armelle conduisent à une approche plus immédiate, plus accrocheuse moins tordue ou moins complexe peut-être.

Dans Arlt, le fait de n’être que guitariste me donne paradoxalement beaucoup de liberté. J’ai énormément appris au contact d’Eloïse et Sing Sing, ils m’ont ouvert la voie à certaines possibilités que je n’imaginais pas… leur musique exige de la surprise, de l’inventivité et une certaine dose d’audace impressionniste. Jouer avec eux est un apprentissage du vertige.

Pouvez-vous citer des albums qui ont pu influencer votre façon d’écrire des chansons ?

Mocke : Il y en a tellement ! Duke Ellington, Moondog, Caetano Veloso, Milton Nascimento, Jad Fair, les Tall Dwarfs, Violeta Parra, Broadcast, Eduardo Mateo, Leonard Cohen, Jonathan Richman, Dogbowl, Abner Jay, Arto Lindsay, Chico Buarque…(je suis obligé de stopper arbitrairement cette litanie sous risque de ne jamais pouvoir la conclure) ont fortement influencé notre rapport à la composition.

 Pouvez- vous expliquer rapidement ce qu’il y a derrière chacune des chansons ?

Claire : Même rapidement, ce serait sans doute un peu long, d’autant qu’on vient de se prêter à cet exercice pour un autre magazine, alors peut-être, on peut donner le lien vers cette page-là (pop news, pas encore paru !) pour éviter les redites ?

Mocke : En règle général, on tente de mettre des mots sur une sensation, un état, une humeur sans rechercher en premier lieu un sens intelligible pour tous, le seul critère étant d’être nous-mêmes touchés par ce qui nous vient à l’esprit. Dans un deuxième temps, on s’efforce de tisser une toile secrète, une trame en creux qui serpente entre les images et les associations. 

Claire, comment trouvais-tu la bonne manière de chanter les chansons ? Sur le Vert et le Gris par exemple ? 

Alors là …aucune idée. Et puis ce n’est pas toujours pareil. Certaines chansons viennent toutes seules à moi et en sortent tout naturellement sans que j’aie à me poser de question sur la façon de les chanter. Le Vert et le Gris dont tu parles, ça s’est passé comme ça par exemple, cette mélodie me hantait, je l’ai juste laissée se dérouler. Je n’intellectualise pas tellement le chant, je n’ai jamais pris de cours, je n’ai pas de technique, je ne sais pas si tel ou tel geste produira tel ou tel effet, la plupart du temps je chante comme ça vient, sans conscience, sans volonté d’aller dans une direction précise, en me laissant porter par le morceau. Parfois ça marche tout de suite, parfois je ne me sens pas assez portée justement, je sens que je ne suis pas totalement dedans mais je ne comprends jamais pourquoi; dans ces cas-là, il faut juste attendre, rêvasser un moment devant la fenêtre et revenir un peu différente, et en général, quelque chose s’est déplacé, et on y est.

Mocke : Elle dit quelque chose comme « je n’y arriverai jamais », s’absente un moment ou deux puis revient avec la parfaite interprétation en bouche. 

Vous êtes tous deux guitaristes. Comment progressez-vous ensemble avec votre instrument ? 

Claire : Là encore une fois, c’est très différent pour chacun de nous. Mocke est vraiment guitariste, moi je ne me définirais jamais comme guitariste, dans le sens où par exemple, personne ne fera jamais appel à moi hors de Midget! pour mes compétences guitaristiques !Certes je sais jouer de la guitare, accompagner, l’utiliser pour composer, je sais m’en servir comme d’un support, et de la même manière je joue du clavier mais ce n’est pas là une pratique d’instrumentiste, ce sont des outils, que je manie avec plus ou moins d’aisance mais qui ne se suffisent pas à eux-mêmes.

On est très loin du rapport de Mocke à son instrument, qui est pour lui un véritable moyen d’expression, sa personnalité artistique s’exprime autant par son écriture et ses compositions que par son jeu de guitare.

 

Chroniqueur
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