Troisième album d'une des figures de l'electro du moment.
Arca a certes déjà fait parler de lui avec ses précédents albums mais, quand il faut citer ses titres de gloire, on mentionne plus aisément son travail de l’ombre sur le premier album de FKA Twigs ou le dernier opus en date de Bjork. Bref, si on sait le Vénézuélien éminemment doué, il lui reste encore à se faire réellement un nom. Ce troisième album marque une étape importante dans sa carrière car, pour la première fois, il ose poser sa voix sur ses compositions. C’est d’autant moins anodin que si, pour tout producteur d’electro, ce n’est pas une démarche « naturelle », Arca a clairement annoncé qu’avec cet album, il posait littéralement ses tripes sur la table. Sur Piel, qui ouvre l’album, on comprend mieux la difficulté à franchir le cap pour lui puisqu’il révèle une voix qui part dans les aigüs, qu’on peut trouver belle, ampoulée, limite irritante ou ridicule, question de point de vue. Mais son chant est tellement imprégné de l’effort qu’il doit entreprendre sur lui qu’on oublie vite les a priori pour se concentrer sur ce condensé de douleur qui se poursuit sur Anoche. Pour trouver un équivalent à ce qu’on vient d’entendre, il faut remonter au siècle dernier, quand Goldie, en 1998, ouvrait « Saturnz Return » avec une ode à sa mère sur laquelle lui aussi osait poser sa voix.
Au-delà de cet aspect, ce qui frappe, c’est la volonté d’Arca de faire de cet album une expérience quasi-lithurgique, exigeante et introspective, physique, sensorielle, autant que musicale. Car, dans cet album, tout semble se contorsionner, évoquer à la fois la souffrance et le mouvement, comme dans un tableau de Francis Bacon. La beauté n’en est pas absente, bien au contraire, mais elle fait froid dans le dos, quand elle surgit avec des choeurs spectraux sur le final de Reverie ou qu’intervient une voix d’outre-tombe sur Saunter. Quant aux morceaux « instrumentaux », ne comptez pas sur eux pour alléger l’ambiance. Urchin s’avance avec d’épaisses nappes menaçantes, mouvantes, aussi inquiétantes qu’intrigantes, ça grouille, ça évoque la sorcellerie, les sons s’entrechoquent et, pour retrouver une telle densité dans les textures, il faut remonter aux travaux du Brésilien Amon Tobin il y a plus d’une décennie de cela. Alors certes, vous allez nous dire qu’on vous peint un tableau sacrément sombre, ce qui n’est pas la plus avenante des invitations pour vous pousser à vous intéresser à cet album. Mais que ce serait dommage… Vous n’écouterez pas cet album pour vous détendre au soleil ou faire votre footing et c’est tant mieux. Les disques qui réclament toute l’attention et commandent de ne pas faire autre chose en même temps, si on aime vraiment la musique, on sait que ce sont les meilleurs.
Et si ce troisième album d’Arca est aussi bon, c’est parce que son auteur s’est échiné à y mettre plus qu’un savoir-faire. Il y a glissé tout ce qu’il est, tout ce qu’il ne voulait pas montrer avant : ses failles, ses racines qui s’expriment notamment quand il flirte avec le flamenco sur Sin Rumbo. Plus qu’un album d’electro, ce disque est une véritable oeuvre à part entière, au-delà des genres. A ne surtout pas rater.
- Publication 1 294 vues7 avril 2017
- Tags ArcaXL Recordings
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