Le 8ème album de Beth Orton, celui d'une redécouverte.
Pourquoi s’intéresser au nouvel album de Beth Orton alors même qu’on mentirait si on disait qu’on l’a suivie assidument depuis ses débuts dans les années ’90 et qu’en dehors peut-être de « Trailer Park », son second album, on se souvient avant tout d’elle comme d’une des voix qui s’invitaient sur les albums des Chemical Brothers quand ceux-ci étaient au pic de leur popularité ? Un peu de curiosité, d’abord, sachant que cela fait tout de même six ans que la Britannique au folk mâtiné d’electro n’avait pas publié de nouvel album, même si ce n’est pas la première fois qu’une telle durée a séparé deux de ses albums, Beth Orton ayant même songé à mettre un terme à sa carrière de musicienne. Une opportunité encore plus facile à saisir dans un moment où l’actualité musicale n’est pas d’une très grande intensité. Et la curiosité est récompensée puisque « Weather Alive » a tout d’un album plus que digne d’intérêt.
Le fait que Beth Orton aie songé il y a déjà plus de dix ans à arrêter sa carrière n’est pas neutre. La publication d’un nouvel album répond alors à un besoin de créer plus viscéral. Par ailleurs, « Weather Alive » est le premier album que Beth Orton a non seulement composé mais aussi produit elle-même. Une démarche dans la continuité de l’album en tant que tel, très introspectif, personnel et qui suinte l’exploration du sentiment de solitude, entre autres. Et ce même si, il faut le souligner, ce n’est pas un disque sur lequel elle est seule puisqu’on peut notamment entendre sur « Weather Alive » Tom Skinner à la batterie ou Alabaster DePlume au saxophone. On tient ainsi le premier élément remarquable du disque : une grande richesse instrumentale, même si tout est distillé avec parcimonie, tout entière au service d’une fibre délicate, personnelle et intimiste. Ensuite, dès le long et introductif Weather Alive, c’est le grain de la voix de Beth Orton qui nous saisit. Sans être fondamentalement altéré en comparaison de ses oeuvres précédentes, il se pare désormais d’un trait légèrement plus épais, qui impose à la fois plus de présence tout en laissant encore plus ressortir de fragilité. Une fragilité inhérente à Beth Orton, qui est depuis lontemps atteinte d’une maladie rare et doit le maintien de sa santé à une grande discipline de vie au quotidien.
Sur « Weather Alive », Beth Orton embrasse ses fragilités avec des paroles assez limpides mais qui restent volontairement au stade de l’allusion, même quand elle répète « lonely » une bonne dizaine de fois à la suite sur le morceau du même titre. Mais c’est vraiment le climat de l’album dans son ensemble qui fait toute sa beauté. Un climat intimiste, forcément empreint d’une part de mélancolie, vous l’aurez deviné, mais qui ne tombe jamais dans le pathos ou l’affliction. Le rythme, sur tout l’album, est quasiment le même, et quand Friday Night, le second morceau, démarre, on a la sensation que c’est en fait le premier qui redémarre ou se prolonge avec juste un petit décalage d’accord. Cette impression reste la même sur tout l’album et lui offre sa grande unité. Une unité qui ne tombe jamais dans l’uniformité monotone grâce au relief de l’instrumentation, au grand raffinement de l’écriture. « Weather Alive » est donc un parfait disque de saison, avec les jours qui racourcissent et la grisaille qui pousse un peu à se lover dans un cocon réconfortant, un disque qui nous enveloppe et nous transporte du début à la fin. Difficile d’en ressortir des moments particuliers, même si la mélodie, le chant de Beth Orton et les discrets choeurs en fond sur Arms Around A Memory sont certainement ce qu’on a entendu de plus beau cette année.
- Publication 906 vues29 septembre 2022
- Tags Beth OrtonPartisan Records
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