Récemment invité à rejoindre le mythique label 4AD, le trio londonien Daughter signe un premier opus à la beauté éclatante, entérinant avec grâce les belles promesses entrevues sur ses deux EP parus en 2011.
Rares sont ces groupes qui suscitent autant d’intérêt avant même la parution d’un premier album. Daughter, novice triplette en provenance de Londres, en fait partie intégrante. Par l’intermédiaire de deux maxis (« His Young Heart » puis « The Wild Youth ») particulièrement aboutis, Daughter a su attiser les oreilles les plus circonspectes de ceux qui n’écoutaient là qu’un énième groupe folk/dream-pop à consonance féminine. Rébarbatif pour certains, empreinte d’inaliénables sentiments pour d’autres. Car Daughter semblait d’entrée avoir appuyé son leitmotiv sur la profondeur de ses textes, lesquelles sa principale auteur et première cantatrice, Elena Tonra, qualifie volontiers de sombres, bien souvent à la frontière d’un désarroi le plus total.
Un songwriting que la jeune femme revendique éperdument depuis l’avènement du groupe il y a deux ans. En mal de confiance pour porter musicalement le poids de ses compositions, la belle anglaise trouve alors en la personne de son boyfriend, le suisse Igor Haefeli (Guitare, Basse), le complément idéal pour agrémenter les mises à nus de ses turbulences intérieures. Rapidement rejoints par le batteur français Rémi Aguilella (que le couple avait rencontré lors de leurs études à l’Institute Of Contemporary Music Performance de Londres), le groupe est ensuite recruté par le label 4AD pour convertir leur toute première transformation. Au gré des multiples prestations scéniques délivrées durant plus d’un an, le trio en a profité pour peaufiner ce premier acte, épaulé dans sa production, entre autres, par Rodaidh McDonald (The XX) ou encore Ken Thomas (Sigur Rós).
Du liminaire et invitatif Winter aux abyssaux supplices de Shallows, d’où l’intitulé de l’album est inspiré (« If you leave, when I go, you’ll find me, in the shallows« ), Daughter soigne son entrée avec une étincelante maturité, rongé par un désir presque pathologique de ne pas brûler ses ailes dès le premier envol. Qu’il s’agisse de brides pop poignantes (Still, Amsterdam), de pures instants d’un ambient-folk à la fois intimiste (Smother, Tomorrow) ou alloué de tonalités atmosphériques (Lifeforms, Touch), les guitares s’enchevêtrent constamment pour former une trame de fond mélancolique, là où les percussions effleurent ces structures dans un minimalisme secondaire mais pourtant indispensable. Grâce à leurs pulsations dramaturgiques idéalement jaugées, ces battements apportent une juste densité qui élève un peu plus la fragilité ambiante à son paroxysme. Sur Human, balancé dans un syncrétisme de Feist, Sharon Van Etten et Sigur Rós version Gobbledigook réunis, Tonra se disculpe de n’être finalement qu’un être à part entière (« And despite everything, i’m still human ») et porte le morceau par sa remarquable fluidité vocale, desservie dans une alternance rythmique ambitieuse n’inspirant guère à l’auditeur le moindre mimétisme avec ses illustres aînés. On retrouve également -avec un certain plaisir- l’ode à la jeunesse Youth, réarrangé à l’occasion, que l’on avait pu contempler sur le dernier maxi du groupe et qui a conservé toute sa légèreté d’antan.
Touchée par la grâce et pourvue d’une sensibilité à toute épreuve, « If You Leave » est une œuvre idyllique, intense et esthétique, qui transparaît comme l’inconditionnel cadeau de ce début d’année 2013. On ne serait pas étonnés de voir cet album nominé pour la prochaine édition du Barclaycard Mercury Prize, récompense majeure qui a révélé bon nombres d’artistes anglo-saxons par le passé. Les paris sont désormais lancés…
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- Publication 1 475 vues26 mars 2013
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Tracklist
- Winter
- Smother
- Youth
- Still
- Lifeforms
- Tomorrow
- Human
- Touch
- Amsterdam
- Shallows