Cuisson lente.
Les plus belles choses naissent souvent d’une déception, d’un spleen à base semi-synthétique, d’une volonté assez humaine (et naïve) de s’exprimer avant le dernier souffle. Le shoegaze est né à la suite de cette torpeur, de cette condition, sans volonté de battre des records de vitesse à remplir des stades, mais simplement de laisser s’exprimer une modernité électrifiée au plus haut volume, le tout courbé sous des mélodies souvent considérées comme simples mais d’une beauté sans nom, sensibilité à fleur de peau, parfaite et définitive à qui ose tendre une oreille, quitte à ne percevoir rien d’autre ensuite.
Il n’y a pas d’intérêt à ressasser les parcours des membres de DIIV, chercher les détails croustillants des données personnelles du groupe. Pas d’intérêt et sans effet réel pour parler de cet album qui se lit d’une traite. Titre après titre on se surprend à être persuadés que DIIV n’a jamais été aussi mieux placés pour exprimer une souffrance assez générale. Toujours dans l’urgence depuis leurs débuts mais encore plus aujourd’hui, tout en gardant en tête le souci de prendre son temps, les pieds dans la boue certes, mais un pied de nez total aux breaking news du moment, toujours creuses dans leurs récits et digérées aussi vite qu’un scroll. Le choix de produire un album définitivement shoegaze, déjà en construction sur le précédent et génial « Deceiver », est assez renversant pour cette année 2024, et malgré le malaise facile à traduire, cela fait du bien, bizarrement.
Le paysage des années 90 revient depuis un certain temps déjà, tant mieux pour la musique, dommage pour le reste. La grâce des années MBV brûle toujours autant donc. La beauté au plus haut niveau est prouvée par le titre Soul-net par exemple mais pas seulement. Cela faisait longtemps que nous n’avions pas eu envie de tenter des hauteurs de volume à l’écoute d’un morceau voire d’un album tout entier, n’est-ce pas ? Nous conseillons vivement la projection de leur blog des années 90 via cette adresse : https://soul-net.co/ où rien n’est oublié : du temps de lecture avant lecture et d’une sympathique Vera pour nous assister pendant la visite.
DIIV écrase cette habitude de réagir à tout et rien en toute vulgarité, « Frog in Boiling Water » constate les dégâts, et c’est beaucoup plus charmant. Du très haut niveau dirait l’autre et il a raison.