Second album solo du leader charismatique de Silver Mount Zion.
Membre central de Godspeed You! Black Emperor, leader et voix de Thee Silver Mount Zion, Efrim Manuel Menuck trouve encore le temps de se concentrer à une carrière solo, sans que celle-ci soit néanmoins frénétique puisque le prédécesseur de « Pissing Stars », qui était aussi son premier album, date de 2011. Comme toujours quand un artiste qui évolue au sein d’un ou plusieurs groupes se présente tout seul, le réflexe consiste à chercher les différences ou les point communs entre les différents pôles de son « univers ». Cependant, sachant que les deux formations d’Efrim Menuck sont du genre touffues, ici, ne serait-ce que d’un point de vue sonore, l’affaire est vite entendue. Solo prend tout son sens puisqu’Efrim, à l’exception de quelques vocalises de ci de là, assure toute la palette, composée de longs riffs distordus de guitare, quelques notes de piano et autres appareils aux noms invraisemblables, sauf peut-être pour des ingénieurs du son. On se prend ensuite inévitablement à se demander si l’élan lumineux qui avait irrigué l’album de GY!BE paru l’an dernier suinterait également dans celui-ci et là, on en a vite pour nos frais.
« Pissing Stars » est en effet un album inspiré par un souvenir de jeunesse d’Efrim Menuck, qu’on ne vous racontera pas en détail, sans quoi vous êtes bons pour finir la lecture de cette chronique dans quelques heures, mais où il est question de la dissolution d’une histoire d’amour atypique, d’images qui vous hantent, le tout enregistré, dixit son auteur, dans un état de désespoir, de fatigue, sous l’effet de trop de cigarettes fumées et de trop d’alcool ingurgité. Vous voilà prévenus. Pourtant, si l’entrée dans « Pissing Stars » est laborieuse et se fait via un long drone qui cède ensuite la place à quelques accords de guitare tout en distorsion et quelques phrases égrenées de la voix de fausset inimitable d’Efrim, pour un Black Flags Ov Thee Holy Sonne qui s’étire sur neuf minutes, l’album se révèle vite un disque qui, évidemment, est très très loin de l’easy-listening, mais n’entre pas moins dans la catégorie de ceux qui emprisonnent l’auditeur par leur ambiance certes inquiétante mais quasi-mystique, plutôt que dans celle de ceux qui, sous le vernis de manifestes radicaux, sont davantage des repoussoirs à ficelles grossières.
On s’étonnera en outre de la forme très directe et accessible de A Lamb In The Land Of Payday Loans, morceau enlevé, à la ligne mélodique claire, ou de la beauté sans fard qui se dégage de Pissing Stars, en longue conclusion soignée, en clair obscur, avec des vocalises élégiaques et presque psyché qui percent à travers un voile sonore dense mais sans excès. A d’autres moments, même quand l’ambiance se veut davantage « expérimentale », le climat reste évocateur, fascinant, et ne tient jamais l’auditeur à distance. The Lion-Daggers Of Calais, est ainsi un morceau quelque peu inquiétant mais qui tient en haleine, tandis que Hart_Kashoggi nous fait naviguer dans un entre-deux tout en torpeur entre rêve et errance. « Pissing Stars » est ainsi l’album d’un artiste complexe, tourmenté, incapable de s’épanouir dans un format trop classique, mais qui pour autant ne cherche pas à s’enfermer dans une logique hermétique et laisse à voir les turpitudes de son âme qui nourrissent sa création. Un artiste au sens premier, en somme, et à cet égard, éminemment précieux.
- Publication 1 223 vues9 février 2018
- Tags Efrim Manuel MenuckConstellation
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Tracklist
- Black Flags Ov Thee Holy Sonne
- The State and Its Love and Genoicide
- The Lion-Daggers of Calais
- Kills v. Lies
- Hart_Kashoggi
- A Lamb in the Land of Payday Loans
- LxOxVx / Shelter in Place
- The Beauty of Children and the War Against the Poor
- Pissing Stars