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Guerre Froide


Un album de sorti en chez .

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1989. Chute du mur de Berlin. Début de la fin d’un monde envisagé à travers les jumelles d’un affrontement idéologique Est-Ouest. Die Wende. L’événement historique précède de peu le délitement de l’empire soviétique, qui amène ensuite l’Europe à redéfinir les contours...

1989. Chute du mur de Berlin. Début de la fin d’un monde envisagé à travers les jumelles d’un affrontement idéologique Est-Ouest. Die Wende. L’événement historique précède de peu le délitement de l’empire soviétique, qui amène ensuite l’Europe à redéfinir les contours des politiques extérieures. En France, Mitterand entame un processus de désarmement où il suspend, entre autres, ses essais nucléaires souterrains en Polynésie française. La guerre n’est plus au programme. Pourtant, huit ans avant, les hostilités s’affichaient ailleurs. Sur le front picard, où celles-ci inspiraient Yves Royer, le chanteur de cette autre guerre froide au verbe raide et désabusé.

1980. Entrée dans une nouvelle décennie. Naissance de Guerre Froide dont la durée de vie ne dépassera pas l’été 1982 – la frustration de cette fulgurance conduira à une reformation 2.0 mais c’est là une autre histoire. Au commencement, Royer réunit autour de lui Gilbert Deffais (boîte à rythmes), Fabrice Fruchart (guitare, synthé) et Patrick Mallet (basse). Ensemble, ils composeront « Cicatrice », première cassette qui compile enregistrements studio et live et, déjà, sous-tend des thèmes imprégnés d’un vague à l’âme poétique, comme sublimé.

1981. Sortie du maxi éponyme sur Stechak, qui éditera ensuite les premiers albums de Trisomie 21. C’est la première vie du disque, paru à mille exemplaires avant de connaître le sort ingrat de tomber aux oubliettes… jusqu’à ce qu’au beau milieu des années 2000, le label allemand Genetic Music, spécialisé dans la réhabilitation des friches eighties à la terminologie -wave, décide de ressortir l’album au format CD. Guerre Froide renaît de ses cendres, processus parachevé par une réédition toute récente signée Born Bad, en vinyle cette fois-ci, à l’occasion de cette cinquième édition du Disquaire Day.

C’est également cette année que Guerre Froide devient quintet. Mallet adopte définitivement la guitare et abandonne la basse à Jean-Michel Bailleux, et Marie-José Deffais viendra très vite combler le récent départ de Fruchart. Le disque ? Il n’a rien perdu de sa superbe. Au contraire. Ersatz ouvre le bal de ce maxi teinté d’une vision du monde en noir et blanc. Derrière le rideau de fer du synthé, la réunion des voix de Royer et de Marie-José fend les motifs répétitifs et intensifie les profondeurs du néant de l’ersatz, produit du faux par excellence, pour raconter la fuite en avant d’une vie édulcorée. Mauve et Peine Perdue, deux compositions de Mallet, font état du même constat, d’une même vision naufragée à la posture presque romantique. La construction des textes, les répétitions finales, le glas de la boîte à rythmes, le timbre lancinant de Royer, les cordes contrariées, autant d’éléments qui s’ajoutent à la teinte gris métallisé des textes et des sons analogiques, et à leur puissance évocatrice.

Demain Berlin, et davantage en ces temps de redécouverte du patrimoine synth français, est définitivement le titre qui fera prendre à Guerre Froide sa place sur la carte de la coldwave. Aussi intitulé Berlin 81 ou Eva, cet incontournable du groupe et hommage à Marlene Dietrich (« Ich bin die fesche Lola, von Kopf bis Fuß auf Liebe eingestellt ») est le seul titre du maxi chanté dans trois langues : anglais, français et allemand. Audacieux dessein dont les échos paraissent se répercuter sur les ruines de cette ville bombardée, découpée en quatre secteurs internationaux et définitivement divisée la nuit du 12 au 13 août 1961. L’histoire infuse cet album à la beauté froide, le lyrisme aussi. Nous ne remercierons jamais assez Born Bad d’avoir exhumé tel trésor de guerre – cold, bien sûr.

Chroniqueur

La disco de Guerre Froide

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