Cinquième album du duo, avec ambition de donner vie à une new-wave d'aujourd'hui.
Les formations françaises qui durent, même si Mansfield Tya a laissé passer pas mal de temps entre son précédent album et celui-ci, et réussissent à affirmer leur singularité tout en évoluant dans un univers libre et éclectique – mais surtout pas dispersé – il n’y en a pas tant que ça. On peut donc affirmer que le duo formé par Julia Lanoé et Carla Pallone n’a jusque-là pas bénéficié d’une mise en lumière suffisante au regard de sa production. Plutôt que le regretter, partons du principe qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire et que « Monument Ordinaire » est une nouvelle occasion de leur tresser des louanges.
La singularité de Mansfield Tya tient dans une capacité à donner vie à un contenu très habité, dramatisé même parfois. Le tout emballé tantôt avec un grand lyrisme, d’autres fois avec les atours d’une chanson française radicale, ou encore d’un folk baroque. Une capacité à embrasser un spectre musical large, à passer du français à l’anglais en passant même parfois par l’italien au niveau des textes, et faire de tout cela une identité, ça laisse admiratif. Cette fois, avec « Monument Ordinaire », les deux complices ont opté, pour le versant musical, pour une base plus synthétique, avec même la volonté assumée d’adopter quelques codes de la new-wave et de voir ce qu’il en reste aujourd’hui. Coté textes, c’est le français qui est à l’honneur et une thématique des plus sombre puisque Julia Lanoé exorcise dans cet album le pire des drames, la mort de sa partenaire. Mais pas question pour Mansfied Tya de faire de « Monument Ordinaire » un disque exclusivement ténébreux et triste. La mort est donc très présente dans les douze titres de l’album, par ailleurs animé par une immense pulsion de vie.
Des titres comme Soir Après Soir, Auf Wiedersehen ou Une Danse De Mauvais Goût peuvent donc paraître glaçants, déstabilisants par leur contenu sans fard ni ambiguïté chanté d’une voix assurée et sans pathos et une base musicale par moments presque dansante, en décalage avec ce qui est exprimé. Mais, écoute après écoute, on prend conscience que si cet album recèle une part de violence, c’est celle de la perte, à laquelle Mansfield Tya oppose une force peu commune. « Monument Ordinaire » est donc un véritable exorcisme au sens premier du terme. Le chagrin et la souffrance sont exprimés, assumés, il n’y a aucune raison de les nier ou de les dissimuler, comme il n’y a aucune raison de les laisser prendre toute la place. Cette dualité s’exprime aussi dans la musique elle-même quand, aux sonorités synthétiques et froides, Carla Pallone oppose la beauté organique de ses lignes de violon sur Le Parfum Des Vautours ou La Montagne Magique. Tour à tour brutal comme un uppercut, bouleversant, notamment sur le magnifique Une Danse De Mauvais Goût, en duo avec Odezenne, gothique et lyrique, « Monument Ordinaire » est un album important et une nouvelle oeuvre emblématique du pouvoir insensé de la musique. Sur ceux qui la créent comme sur ceux qui l’écoutent.
- Publication 1 726 vues13 mai 2021
- Tags Mansfield.TYAWarriorecords
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Tracklist
- L'acqua fresca
- Ni morte ni connue
- Auf Wiedersehen
- Tempête
- Les filles mortes
- Petite italie
- Le parfum des vautours
- Soir après soir
- Le couteau
- La montagne magique
- Une danse de mauvais goût
- Le sang dans mes veines