Mrs Piss

Premier mini album pour le projet de Chelsea Wolfe en compagnie de Jess Gowrie.

Auteure depuis ses débuts d’un parcours absolument exemplaire qui l’a vue explorer aussi bien le doom metal que le rock gothique ou plus récemment sa version folk, Chelsea Wolfe s’applique en outre avec une discipline quasi-militaire à éditer un album tous les deux ans sans jamais faillir. Entre ses albums, elle part bien sûr en tournée et, comme pour nombre d’autres artistes, il aura fallu une pandémie mondiale pour lui couper les ailes. En mars dernier, elle était du côté de Prague et faisait route vers l’Allemagne quand à sa grande frustration, elle a dû interrompre sa série de concerts qui venait ponctuer la sortie à l’automne dernier du magnifique « Birth Of Violence ».

Pas du genre à se laisser abattre, Chelsea Wolfe, sans jamais oublier de témoigner des marques d’affections à son public qui n’a pu la voir sur scène, a tôt fait de dévoiler un nouveau projet et à le rendre concret. Mi-mai, Chelsea Wolfe annonçait donc le lancement de Mrs Piss, projet qui la voit s’associer à Jess Gowrie, deux titres étaient dévoilés le même jour ainsi que la date de sortie d’un premier album, « Self-Surgery », quinze jours plus tard. Cette collaboration n’est en soi pas complètement inédite puisque Jess Gowrie officie sur scène à la batterie derrière Chelsea Wolfe depuis plusieurs années, mais c’est la première fois qu’elles donnent vie à des morceaux qu’elles ont écrit ensemble et en se partageant l’interprétation. Par ailleurs, on parlera davantage de mini-album puisque « Self-Surgery » se compose de sept titres (huit si on inclut To Crawl Inside qui est une intro de quarante secondes) et n’excède pas les 18 minutes.

« Self-Surgery », logiquement, s’affiche pour ce qu’il est, et le fait plutôt bien : une poignée de titres spontanés, explosifs, qui rend compte avec justesse de ce qui peut sortir quand on compose à deux, avec la guitare électrique et la batterie comme éléments de base. Pour Chelsea Wolfe, c’est un nouveau changement de pied, ou du moins un retour à du brut et brutal après les ambiances éthérées et vénéneuses de « Birth Of violence ». C’est aussi, très certainement, une manière de revenir à des bases « primaires » de renouer avec l’essentiel et de ne pas perdre contact avec la réalité, elle qui ces dernières années a donné une place importante à la production dans ces albums. C’est aussi un joli défouloir dans lequel elle se livre sans réserves, avec des accords de guitare furieux et un chant entre gémissements, phrases déclamées à pleins poumons, parties plus susurrées. Pour Jess Gowrie, c’est une bénédiction, les occasions étant finalement assez rares, quand on officie à la batterie, d’être mise en avant. C’est donc avec une délectation non feinte qu’elle fait partir Downers Surrounded By Uppers au galop dès les premières mesures ou martèle sentencieusement l’emphase de You Took Everything. Une fois ces constats dressés vient l’inéluctable question : que vaut réellement « Self-Surgery » ? En tant que matrice, Mrs Piss est très certainement un projet précieux pour Chelsea Wolfe. C’est aussi le résultat de la complicité de deux musiciennes qui éclate au grand jour, car de Nobody Wants To Party With Us à Self Surgery, ça dépote sévère. Et cette urgence salvatrice trouvera tout naturellement sa place dans cette année musicale propice aux émotions fortes.