La fièvre revivaliste bat toujours son plein : à peine quelques années après avoir consacré le retour en grâce des synthétiseurs eighties et des couleurs fluo, il est depuis près de deux ans de bon ton de se draper des couleurs grisâtres et ternes, des sonorités agressives et dépressives du début des années 90. Le […]
La fièvre revivaliste bat toujours son plein : à peine quelques années après avoir consacré le retour en grâce des synthétiseurs eighties et des couleurs fluo, il est depuis près de deux ans de bon ton de se draper des couleurs grisâtres et ternes, des sonorités agressives et dépressives du début des années 90. Le shoegazing n’a jamais été aussi tendance et le moins que l’on puisse dire, c’est que le duo californien No Age s’inscrit pleinement dans la collection automne / hiver du catalogue My Bloody Valentine. No Age fait du bruit, et ce dès le début de ce nouvel album avec des martèlements de batteries qui introduisent avec autorité les stridences à venir.
Les fantômes de la musique bruyante du début des années 90 sont bien là pour notre plus grand plaisir : Swervedriver, My Bloody Valentine, Dinosaur Jr, tous ces grands anciens semblent s’être penchés avec bienveillance sur le berceau d' »Everything In Between ». Le son est également dans les canons du genre (il faut y adhérer) : poussé dans les aigus, très pauvre en basses, aussi résonnant d’écho que si la prise de son avait été réalisée dans le Terminal Ouest de Roissy. La batterie est souvent indistincte, bruissement d’arrière-plan qui hachure les motifs de guitare plus qu’il ne les structure, et c’est bien la six-cordes qui se taille la part du lion, orchestrant un festival de stridences entêtantes (comme sur l’excellent Glitter) ou assurant le travail rythmique comme sur l’énergique Depletion. L’intermède rêveur Katerpillar se permet également de réveiller le fantôme du Slowdive des plus belles heures de « Souvlaki ».
Faire du bruit n’a rien de simple : on le sait depuis que Sonic Youth a réussi, mieux que tout autre, à allier l’exigence de l’expérimentation à l’universalité d’un langage musical compréhensible. S’il suffisait de coucher sur bande les moindres dissonances fortuite issues des réglages hasardeux d’un amplificateur ou de l’accordage fantaisiste d’une guitare, la recette serait connue depuis belle lurette et le rock bruitiste serait un pays de cocagne où les chef-d’oeuvres se multiplieraient comme les décibels à la sortie d’un ampli de Kevin Shields. Au contraire, réussir à travailler la texture du son en réussissant à conserver une approche mélodique acceptable relève de l’alchimie. Force est alors de reconnaitre que No Age sait y faire : il n’y a rien de bien nouveau dans « Everything In Between », mais ce qui y est fait est bien fait et le duo nous offre de vraies et bonnes chansons. Le presque acoustique Common Heat montre d’ailleurs bien la capacité de No Age à trousser des ritournelles charmeuses, de même que l’instrumental Dusted confirme un véritable don pour la construction d’un édifice sonore complexe et travaillé.
Sub Pop, comme toujours, reste une écurie de très haut vol et « Everything In Between », moment idéal de rock bruyant comme on en a peu entendu en 2010, prouve une fois de plus la pertinence du label américain.
Tracklist
- Life Prowler
- Glitter
- Fever Dreaming
- Depletion
- Common Heat
- Skinned
- Katerpillar
- Valley Hump Crash
- Sorts
- Dusted
- Positive Amputation
- Shred and Transcend
- Chem Trails