"This is a Pinback CD" est exactement le disque que l’on peut avoir envie d’écouter les jours de grande lassitude, parce que c’est précisément à une dernière tentative avant de jeter l’éponge que cette musique ressemble. Et puisqu’on n’est pas loin du bout du rouleau, on se laisse aller à quelques fantaisies, tellement dissimulées qu’elles […]
"This is a Pinback CD" est exactement le disque que l’on peut avoir envie d’écouter les jours de grande lassitude, parce que c’est précisément à une dernière tentative avant de jeter l’éponge que cette musique ressemble. Et puisqu’on n’est pas loin du bout du rouleau, on se laisse aller à quelques fantaisies, tellement dissimulées qu’elles en passeraient presque inaperçues. Ainsi les scratches à la limite du second degré sur Tripoli, ces martèlements de boîte à rythme sur Chaos Engine, dont le volume est tellement faible qu’il en rendrait ironique le titre du morceau. Comme si les deux têtes pensantes du groupe cherchaient à éloigner l’attention de l’auditeur vers quelques petites blagues lancées au hasard, comme si l’on tentait d’afficher un sourire crispé pour faire oublier qu’on a des larmes plein les yeux.
Sur un seul morceau, le somptueux Crutch, Pinback laisse l’orage se former, pour crever l’abcès. La basse vrombit, soudain menaçante, la guitare répète un motif lancinant, des voix hésitantes s’entrelacent. Les teintes pastel des autres morceaux virent au sombre, l’équilibre est si fragile qu’on sent qu’il suffirait de peu pour que tout bascule du mauvais côté de la barrière, dans le camp de ces exhibitionnistes qui prennent soin de s’assurer que le monde entier a bien vu leur désespoir.
Pinback assume sa mélancolie, mais n’en joue jamais comme d’un prétexte ; ce groupe n’est pas du genre à crier un désespoir – factice ou réel. Déjà, chez Pinback, on chuchote plus qu’on ne crie. Trop fatiguées pour hurler, les deux voix du groupe préfèrent survoler distraitement les mélodies, un peu paumées. Les harmonies vocales sont souvent superbes, alors même que les voix sont faibles, limitées : voici résumée cette pop étrange, mélange paradoxal d’une modestie confinant à la timidité et d’une ambition palpable.
Jamais la musique de Pinback ne servira de fond sonore à une publicité pour après-rasage, jamais elle n’accompagnera le ralenti d’un plongeon spectaculaire d’un gardien de but. Jamais elle ne sera dénaturée. "This is a Pinback CD" garde sa fraîcheur, sa beauté fragile, il continue à distiller son euphorisante mélancolie. Et même quand le nombril de quelques adolescents attardés aura perdu de son charme, les douze merveilles douce-amères de Pinback continueront à nous rendre visite de temps en temps. Elles seront toujours les bienvenues.
- Publication 587 vues23 septembre 2007
- Tags PinbackCutty Shark
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