Le nouvel album de Porridge Radio pour enfin récolter des lauriers mérités.
Au petit jeu des victimes collatérales de la crise Covid en 2020, on décernerait volontiers la palme du mauvais timing à Bambara et Porridge Radio, deux formations qui ont eu le malheur d’éditer leur nouvel album juste avant que le confinement soit décrété un peu partout dans le monde. Deux albums parmi les meilleurs de 2020 qui auraient dû couronner leurs auteurs s’ils avaient pu les défendre sur scène. Mais, concernant Porridge Radio, « Every Bad », qui était aussi le second album du combo anglais mené par Dana Margolin, n’aura toutefois pas été un coup d’épée dans l’eau. Leur pop à la fois lo-fi, hardcore et vintage s’est attirée les bonnes grâces de nombreux nouveaux auditeurs qui attendaient de pied ferme la suite. D’ailleurs, à la question récente de savoir ce que cela faisait d’avoir changé de statut, Dana Margolin a répondu qu’elle le vivait bien puisqu’elle avait l’ambition que Porridge Radio devienne aussi populaire que Coldplay. Une réponse qui n’était peut-être pas à prendre complètement au premier degré mais, pour autant, il est assez logique que Porridge Radio souhaite avoir un large auditoire. Car, au coeur de la formule qui a fait la réussite d' »Every Bad », il y a le chant, les textes et l’écriture de Dana Margolin, éléments indissociables. Dana Margolin écrit en effet des textes qui expriment toutes ses turpitudes, toutes les contradictions des sentiments. « Thank you for loving me, thank you for leaving me », pouvait-on par exemple entendre sur l’album. Et, pour encore mieux révéler ses tourments, sa farouche volonté d’indépendance face à tous les diktats, même ceux des élans du coeur, sans pouvoir complètement les juguler, Dana Margolin tresse des morceaux à l’image de ces contradictions, pleins d’éruptions de colère, de mélancolie ou de douceur. Le tout porté par une voix à l’émotion toujours débordante, étonnant mélange de force et d’extrême fragilité. Bref, un tel cocktail, belle illustration du conflit permanent qui agite l’être humain dans toute sa complexité, ne peut pas rester dévolu aux oreilles de quelques happy few.
« Waterslide, Diving Board, Ladder To The Sky » est le successeur naturel d' »Every Bad ». Dans ses contradictions, comme celle de faire du morceau-titre de l’album celui qui en fait le referme en toute quiétude. « I Don’t Want The End but I Don’t Want The Beginning », chante d’ailleurs Dana Margolin sur ce titre. Dans cette quête d’un entre-deux permanent, Porridge Radio pousse tous les possibles. Par moments, le groupe se lance dans de grandes envolées épiques à coups de synthés vintage, de guitares vrombissantes et la voix de Dana Margolin finit par déborder, comme sur The Rip. Sur Birthday Party, la même phrase, ce « I Don’t Want To Be Loved » est répétée encore et encore, comme un mantra, avec une conviction et une intensité totales tout en nous faisant comprendre que c’est exactement le contraire qui est exprimé en creux. Et, si ce n’était pas assez clair, sur Flowers, et plus encore sur Jealousy, le groupe laisse cette fois éclater une fibre mélodique totale pour deux ballades bouleversantes, pleines de beauté et de fragilité. Très libre musicalement, porté par une plume forte, une voix et une personnalités incroyablement attachantes, Porridge Radio n’a aujourd’hui pas beaucoup, sinon aucun équivalent pour incarner tout ce que le rock au sens large s’est toujours donné pour mission de véhiculer : la liberté de ton, d’être soi, l’intransigeance, du souffle, de la force, beaucoup d’émotion, le tout sans fard.
- Publication 1 165 vues27 mai 2022
- Tags Porridge RadioSecretly Canadian
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Porridge Radio sur la route
Tracklist
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- Back To The Radio
- Trying
- Birthday Party
- End Of Last Year
- Rotten
- U Can Be Happy If U Want To
- Flowers
- Jealousy
- I Hope She's Okay 2
- Splintered
- The Rip
- Waterslide, Diving Board, Ladder To The Sky