The Welcome Wagon

En voilà une curieuse équipée, un pasteur presbytérien et sa femme, tout droit venus de Brooklyn et épaulés par le fidèle poulain d’Asthmatic Kitty, le désormais incontournable Sufjan Stevens. Celui-ci a d’ailleurs pris part dans l’élaboration de ce premier album en l’enregistrant, le produisant et le mixant. Mais cette collaboration ne s’arrête pas là, tellement sa patte si particulière semble s’être attardée sur cette vraie pépite.

L’anecdote faisant que l’album est sorti juste avant Noël est peut-être le fruit du hasard, mais on pourrait se demander s’il n’y avait pas là un signe. Car on remplirait avec plaisir les rangs des églises pour entonner en chœur ces hymnes avec cette ferveur bien intacte qui fait beau à voir. Mais de ce côté de l’Atlantique il est d’usage de chanter lors des offices et cet album est si touchant qu’au-delà du message qu’il veut porter, c’est avant tout l’innocence et la beauté du geste qui émeuvent. Surtout dans cette période de morosité et de sinistrose, ce couple improbable nous est d’autant plus attachant. A la première écoute, on est plongé dans des ambiances chères à Sufjan Stevens, ces ritournelles naïves et bourrées de sincérité. Il a d’ailleurs apporté avec lui toute sa panoplie d’instruments, le banjo, l’ukulélé, la guitare et le piano. On pourrait lui reprocher d’avoir volé la vedette au duo de The Welcome Wagon, mais on ne lui en veut qu’à moitié, car le résultat est vraiment réussi.

Le morceau, Sold to the nice rich man, véritable gospel, donne envie de taper dans les mains, et procure un plaisir inégalé. La très belle ballade, Up on a mountain, est une vraie sucrerie désarmante de bons sentiments. Toute cette sensiblerie pourrait frôler le mauvais goût mais heureusement cela n’est pas le cas, et c’est tant mieux. Et l’album atteint des sommets à l’occasion de deux reprises, Half a person de Morrissey et Jesus de Lou Reed. Le couple bigot prend dès lors la clé des champs pour des moments de pure grâce, ou les chansons remaniées atteignent une autre dimension. Les chœurs prennent de l’ampleur sur le magnifique I am a stranger, et rappelle que certains des représentants les plus éminents de la soulmusic, terme malheureusement galvaudé mais qui retrouve ici tout sa grâce, ont fait leurs premières armes dans les églises de leurs parents pasteurs.

On prend la sincérité de cet album en pleine poire, et cela fait un bien fou. Ces deux grenouilles du bénitier nous font passer la pilule avec un prosélytisme si désarmant et avec un tel talent, que ce qui compte après tout c’est la musique, si pure et si enchanteresse. Cet album est une vraie merveille.