"> Rock En Seine @Domaine National de St Cloud - Live Report - Indiepoprock

Rock En Seine @Domaine National de St Cloud


Gros festival, peut-être un peu trop, Rock En Seine a proposé son lot d'avantages et d'inconvénients.

Un lieu superbe, des têtes d’affiche, d’autres artistes plus discrets, et au milieu 40000 spectateurs pour une seule journée et, question qu’on ne peut hélas pas s’empêcher de se poser, combien au total venus pour véritablement voir et écouter des prestations live ? Le lot d’un festival, c’est évidemment des conditions de concert aléatoires, mais cette édition 2014 de Rock En Seine, si elle est celle des records, détiendra certainement celui du nombre de spectateurs non concernés par ce qui se passait sur scène et plus préoccupés par la réussite de leurs -nombreux – selfies.

Bref, en milieu d’après-midi, les Suédois de Junip, emmenés par José Gonzalez, venaient proposer leur pop douce et mélancolique sur la scène de la cascade et n’avaient aucune chance de livrer une prestation consistante : lieu démesurément grand pour eux, plein jour, interprétations calquées sur celles de leurs disques, rien pour attirer l’attention de ceux qui ne les connaissaient pas, et pas grand-chose pour stimuler celle de leurs quelques admirateurs. 45 minutes de concert, merci d’être venus, de toute façon on était partis avant la fin…

Amusant hasard de la programmation, sur la même scène, un peu plus tard, les Californiens stakhanovistes de Thee Oh Sees débarquent avec des intentions diamétralement opposées : eux au moins ont semblé animés de la volonté qu’on se souvienne d’eux à défaut de pouvoir rester longtemps. C’est pied au plancher que le trio a donc entamé son set et livré le seul moment véritablement rock’n’roll de cette journée avec au passage quelques beaux pogos dans les premiers rangs. Quelques petits ennuis sonores obligeant le leader de la petite troupe à accorder plus que de raison sa guitare (un guitariste de rock crasse qui s’accorde autant, c’est du jamais vu) cassent un peu le rythme au début, mais cela ne les empêchera pas de livrer une prestation qui aura confirmé qu’on tient là une des meilleures formations du moment.

Direction la grande scène ensuite pour jeter un oeil sur la séquence revival glamour avec Sean Lennon et sa jolie copine mannequin Charlotte Kemp alias The Ghost Of A Saber Tooth Tiger venus rendre hommage malgré eux au papa de Sean. Quand on s’appelle Lennon, l’héritage est (trop) lourd à porter, et même en étirant les morceaux et en cherchant à tordre les dynamiques, pas une seule intonation, pas une seule rupture n’échappe à la comparaison avec le paternel…

Un peu plus tard, retour à la cascade pour la prestation d‘Emilie Simon qui, fidèle à ses ambitions, était accompagnée de l’orchestre national d’Île-de-France. De gros moyens, donc, pour un résultat mitigé : il y a de la recherche au niveau sonore, c’est indéniable, mais l’orchestre a bien eu du mal à se faire entendre et à donner une véritable pertinence à sa présence derrière les musiciens habituels de la chanteuse, engoncée dans une robe pseudo-princesse pas des plus seyantes et toujours un peu plombée par sa voix de petite fille qui tire un peu le tout vers le bas.

Second hasard de la programmation, ça va encore une fois être tout l’inverse quand on se dirige vers la grande scène pour assister à la prestation de Portishead. Pas de personnel en sus pour les Anglais, pas de fioritures au niveau vestimentaire, mais quelle claque ! Ce n’est pas difficile, il n’y a absolument rien eu à jeter : des effets visuels soignés sur l’écran en fond de scène, une setlist superbement équilibrée entre les grands moments lyriques de leur répertoire et les morceaux plus durs, plus tendus de leur dernier album en date, un jeu de batterie d’une précision et d’une justesse magistrales, une richesse des textures sonores redécouvertes à chaque instant et qui n’ont pas pris une ride, et une Beth Gibbons accrochée à son micro du début à la fin, comme dans une transe mystique dans laquelle son chant incroyablement envoûtant et poignant nous a transportés. On ne sait si la série de concerts de cet été est un prélude à un nouvel album, mais il serait invraisemblable que ce groupe, qui  ne tombe jamais dans la facilité ni le pilotage automatique et qui met autant de soin à réussir ses concerts n’ait pas tôt ou tard le désir d’écrire une nouvelle page de son histoire.

Après un tel moment d’accomplissement, on n’avait pas envie de redescendre, et les gentils bidouillages de Flume nous ont vite fait comprendre que mieux valait ne pas insister et en rester là. L’évolution de Rock En Seine laisse un sentiment plus que mitigé, mais entre 20h45 et un peu plus de 22h ce 23 août, le festival a été touché par la grâce. Alors c’était bien d’y être.

Rédacteur en chef