Nouvel album et retour à des ambiances plus acoustiques pour Chelsea Wolfe.
Après les ambiances electro-gothiques sophistiquées de « Pain Is Beauty », deux albums dominés par un climat lourd proche du doom metal (« Abyss », « Hiss Spun »), Chelsea Wolfe revient aujourd’hui avec un album annoncé comme dominé par des morceaux principalement acoustiques et éthérés. Si, évidemment, cette petite description démontre que Chelsea Wolfe est une artiste sans cesse en mouvement, soucieuse de faire évoluer son écriture et le climat de ses albums, « Birth Of Violence » s’inscrit dans une veine qu’on lui a déjà connue, tresser de longues ballades souvent mélancoliques ou inquiétantes étant un art dont elle a déjà fait montre dans ses précédents albums. La principale différence, cette fois-ci, est donc que cette veine constitue l’essence de l’album et pas un passage en particulier.
Par ailleurs, que le choix d’offrir un album aux arrangements parcimonieux, dominé par des morceaux délicats ne nous étonne pas de la part de Chelsea Wolfe alors même qu’elle a récemment flirté avec le métal et des climats beaucoup plus tumultueux met en exergue l’aura exceptionnelle qu’elle a acquise. Car, objectivement, combien d’artistes en activité peuvent se targuer d’être capables de dérouler des albums à priori aux antipodes sur le spectre musical sans que la démarche s’apparente à un changement de cap radical, voire parfois un peu forcé ? « Birth Of Violence », avant même qu’on s’y immerge, souligne donc d’emblée l’importance de Chelsea Wolfe dans le paysage musical.
Mais Si Chelsea Wolfe peut évoluer dans des climats contraires avec autant de naturel, c’est parce qu’elle fait partie des musiciens et songwriters qui font la part entre ce qui constitue le fond de leur musique, sa raison d’être, et la forme d’expression qu’ils vont choisir pour exprimer ce fond. Chez Chelsea Wolfe, ce fond, c’est un besoin incessant de faire sortir ses angoisses, ses cauchemars. Et si, au tout début de sa carrière, elle a pu nous laisser penser qu’elle se complaisait dans l’expression de ses états d’âme torturés, la suite n’a pas tardé à démontrer que la musique était au contraire pour elle un médium pour les transcender et les transformer en force positive. « Birth Of Violence » en est un nouvel exemple éclatant. Ce ne sont ni la joie de vivre ni la contemplation béate qui sont au coeur de cet opus, qui baigne de bout en bout dans une lumière en clair obscur, mais la beauté est partout, que ce soit au détour d’un tout petit accord de guitare que va venir relever un violon (Be All Things), ou d’une intonation de voix qui ne tarde pas à s’élever vers les cîmes (Deranged For Rock’N’Roll).
Mais si la réussite de « Birth Of Violence » est aussi totale, c’est aussi parce que l’album n’est en rien pensé comme un retour à une économie de moyens ou d’ambitions. Sur ses précédents albums, Chelsea Wolfe a accordé une grande importance à la production et au son général en prenant soin de s’entourer de musiciens à même de donner vie à ce qu’elle avait en tête, et il en est exactement de même cette fois encore. Ainsi, dès The Mother Road, derrière la guitare acoustique, la batterie est précise, des lignes de corde en contrepoint viennent troubler la linéarité du morceau. Sur Deranged For Rock’N’Roll, on sent un magma sonore prêt à gronder derrière la limpidité de la mélodie. En outre, le côté plus acoustique laisse davantage de place à la voix de Chelsea Wolfe qui ne se prive pas de nous rappeler qu’elle est aussi une chanteuse de haut vol. Deranged For Rock’N’Roll, encore une fois, est un numéro exceptionnel, Chelsea Wolfe passant de la fragilité à la force sans coup férir. Ailleurs, elle offre un chant pur et cristallin sur Be All Things, flirte avec le chant lyrique sur When Anger Turns To Honey. Chelsea Wolfe est là pour durer, cela fait maintenant quelques années qu’on l’a compris, et, objectivement, on le lui voit plus de limites.
- Publication 1 535 vues14 septembre 2019
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