Chelsea Wolfe est apparue il y a quelques années dans le paysage musical et faisait jusque-là partie des artistes dont on ne savait pas trop quoi faire ou dire.
Chelsea Wolfe est apparue il y a quelques années dans le paysage musical et faisait jusque-là partie des artistes dont on ne savait pas trop quoi faire ou dire. Pour le meilleur, ses précédents albums avaient démontré une vraie fibre pour l’écriture et un goût pour des univers radicalement différents allant du metal au folk. Pour le pire (ou le moins bon, ne soyons pas trop durs), son penchant pour le gothique, aussi respectable soit-il, avait tendance à plomber l’ensemble, voire parfois à le faire glisser vers l’outrancier. Mais, sur ce nouvel album, dès la pochette, on sent poindre une évolution : la lumière sombre, le titre et sa calligraphie attestent que Chelsea Wolfe n’a pas renoncé à son univers, mais sa coiffure rétro, sa pose et sa petite robe, qui la font ressembler à une héroïne d’un film de Lynch, à la fois vénéneuse et fragile, laissent entrevoir une ouverture vers davantage de sensibilité.
Quand on entre dans l’album pour de bon, un courant d’air glacial nous accueille : quelques notes synthétiques et monocordes, une rythmique oppressante en filigrane, quelques phrases chantées, des dissonances qui viennent déchirer l’ensemble, pas de doute, ça ne rigole pas et un groupe comme Bauhaus, histoire de lancer une référence évidente, n’aurait pas désavoué Feral Love. Mais le léger crescendo au milieu, le chant entre complainte et incantation en font immédiatement une entrée en matière saisissante et très réussie, car rien n’est forcé. Et quand We Hit A Wall démarre, on est définitivement happé. Sans laisser retomber la tension initiale, le morceau est cette fois-ci porté par une guitare électrique, ce qui le rend plus organique, direct et proche. Au passage, en deux morceaux seulement, Chelsea Wolfe démontre sa capacité à passer sans difficultés ni contradictions d’une instrumentation à une autre. Mais encore une fois, c’est le côté direct, épuré des morceaux qui fait la réussite de « Pain is beauty », qu’on aille de moments vaporeux, mâtinés d’arrangements électro, comme sur Warden, à d’autres plus tendus (Destruction Makes The World Burn Brighter).
Sur la seconde partie de l’album, c’est la fibre folk de Chelsea Wolfe qui s’exprime et laisse filtrer plus d’émotion. S’y ajoute même une véritable ambition dans l’écriture et les dynamiques, notamment sur le superbe Reins, qui s’ouvre comme une lente complainte sur laquelle la voix se fait plus frêle, et qui se développe lentement, un peu comme si la demoiselle gravissait marche après un marche un long escalier à vis. La même ambition se retrouve sur They’ll Clap When You’re Gone, avec ses cordes qui éclatent et imposent davantage de dramaturgie, et le quasiment lyrique The Waves Have Come, débarrassé de tous artifices et qui, le long de ses huit minutes, présente son auteure sans fard, et donc d’autant plus touchante. Sans rien céder sur l’exigence, sans remettre en cause ses aspirations, Chelsea Wolfe trouve avec « Pain is beauty » son équilibre. On n’hésite pas une seconde à s’engouffrer dans son univers, à partager ses tourments et on a même envie de s’y incruster durablement.
- Publication 1 361 vues10 octobre 2013
- Tags Chelsea WolfeSargent House
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Chelsea Wolfe sur la route
Tracklist
- Feral Love
- We Hit a Wall
- House of Metal
- The Warden
- Destruction Makes the World Burn Brighter
- Sick
- Kings
- Reins
- Ancestors, The Ancients
- They'll Clap When You're Gone
- The Waves Have Come
- Lone