Après la sortie en 2005 d’un "Extraordinary Machine" initialement refusé par Sony qui l’avait laissé dormir trois ans dans un tiroir avant d’en remanier la production sous la pression des fans, la jolie new yorkaise était en droit de prendre son temps pour composer dans le plus grand secret, détachée de toute pression artistique et sentimentale, ce qui allait constituer l’album le plus libre...
Après la sortie en 2005 d’un « Extraordinary Machine » initialement refusé par Sony qui l’avait laissé dormir trois ans dans un tiroir avant d’en remanier la production sous la pression des fans, la jolie new yorkaise était en droit de prendre son temps pour composer dans le plus grand secret, détachée de toute pression artistique et sentimentale, ce qui allait constituer l’album le plus libre et curieusement le plus minimaliste qu’elle ait jamais écrit: « The Idler Wheel… «
Construit autour d’un piano-voix, renforcé et soutenu par les percussions feutrées de son batteur Charley Drayton, l’objet possède une couleur jazz des plus rafraîchissantes.
Un rapide survol des dix pistes de la galette (onze dans la version collector) permet d’ailleurs de générer les constats suivants :
– le cheminement a eu du bon (sept années) tant chaque titre est abouti, répond à une unité d’ensemble, possède une identité polie, soignée, brute, dépouillée.
– de par son exigence, l’album manque d’accessibilité ; ce qu’il gagne en singularité par sa recherche, son élaboration poussée à maturité, il le perd en spontanéité. Nombreuses écoutes à prévoir.
Une rupture amoureuse, un trop-plein de souvenirs, un romantisme démesuré : Fiona Apple puise toujours autant en elle pour parvenir à son processus de création, sonde ses fêlures et ses nuits sans sommeil (Every Single Night , bouleversante et son duo célesta-marimba), s’adresse avec une pointe d’amertume à son ex-amoureux Jonathan (« You like to captain, a capsized ship, but I like to watch you live »), quand elle ne s’interroge pas, découragée, sur la jazzy Left Alone (« How can I ask anyone to love me when all I do is beg to be left alone ? »).
Manquer d’empathie reviendrait à manquer le frisson du disque, son caractère touchant. Car c’est aussi ça, Fiona Apple. De la poésie et des mots tremblant d’émotion lorsqu’elle susurre « I just want to feel everything » sur le morceau d’ouverture, des mots qui prêtent à sourire sur Daredevil (« I guess I must just be a daredevil, I don’t feel anything until I smash it up »), de jolies petites phrases articulées avec une infinie tendresse comme celle extraite au hasard de Largo, titre bonus :
« And when Mr Tench is on the bench, I want to be the piano »
Vocalement, son talentueux contralto est toujours aussi mélancolique. Elle le pousse parfois jusqu’à la rupture sur le refrain de Regret, fredonne un entraînant phrasé sur Hot Knife ; loin d’être en reste côté tempo, le clavier marque mieux que n’importe quelle percussion le groove irrésistible de Periphery ou les mesures à 3 temps de Werewolf. Elément central, il distille les émotions de sa fragile maîtresse comme des poignées de sable sur des titres qui ne cessent de porter l’auditeur avec un enthousiasme croissant au fil des écoutes.
Mais la réussite globale de ce disque tient aussi au son qui lui a été conféré, fruit du travail à la production de Charley Drayton, batteur de l’artiste. Chapeau. C’est extrêmement épuré et soigné, la voix de Fiona Apple n’a jamais été aussi bien valorisée.
Pour un quatrième album, l’artiste surprend donc avec un set de chansons beaucoup plus expérimental, moins pop et toujours aussi inspiré. Grand retour.
A noter: « The Idler Wheel… » est l’abréviation de « The Idler Wheel Is Wiser Than the Driver of the Screw and Whipping Cords Will Serve You More Than Ropes Will Ever Do », véritable titre de l’album.
- Publication 883 vues22 mars 2013
- Tags Fiona AppleEpic
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