"> Nick Cave & Warren Ellis - Australian Carnage - Indiepoprock

Australian Carnage


Un album de sorti en chez .

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L'étroite collaboration de Nick Cave et Warren Ellis en version live.

Pour avoir un véritable intérêt artistique, un album live se doit d’être un moment particulier dans la carrière d’un artiste. En dépit du nombre important qui jalonnent la discographie de Nick Cave, celui-ci a toujours respecté ce principe. Témoignages tantôt de ses performances les plus « rock », ou au contraire de moments captés dans l’intimité, ou bien en configuration inédite, en leur genre, les live de Nick Cave sont des modèles. Celui-ci, capté fin 2022 au Sydney Opéra House, à l’issu d’une tournée de 16 dates en Australie, est le premier focalisé sur la collaboration exceptionnelle qui s’est nouée entre Nick Cave et Warren Ellis ces dernières années, en plus de celle qu’ils entretiennent pour l’écriture de B.O de films. On entend donc ici les deux protagonistes entourés de quelques musiciens qui ne sont pas les Bad Seeds, et l’album, à quelques exceptions près, est l’interprétation de titres issus de « Ghosteen » et de « Carnage », les deux derniers albums studio en date. En cela, ce live est encore une fois une première, mais son intérêt ne se limite pas à cet aspect. Dans le livre d’entretiens avec le journaliste Sean O’Hagan sorti l’an dernier et qui vient d’être traduit et publié en France, Nick Cave, en pleine pandémie, y revient en détail sur le tour qu’a pris sa carrière ces dernières années, et notamment sur « Ghosteen » et « Carnage », ces albums forcément à part. Pour le premier parce que c’était un disque de deuil, pour le second parce qu’écrit et enregistré au sortir du confinement. Et Nick Cave explique que, pour lui, les chansons n’existent totalement qu’une fois qu’elles ont pu être interprétées sur scène, où elles prennent une autre dimension et se révèlent. Et précisément, la pandémie a empêché Nick Cave de jouer sur scène les chansons de « Ghosteen » en 2020, comme c’était prévu, et il a fallu attendre fin 2021 pour que cela ait enfin lieu. « Australian Carnage » est donc aussi le témoignage d’une libération, d’une sorte d’achèvement d’un processus créatif.

Ce qu’il y a de frappant à l’écoute de l’album, c’est l’importance des intermèdes entre les morceaux, qui n’ont certainement pas été laissés par hasard. Car ces intermèdes témoignent, dans la forme des échanges entre Nick Cave et le public, de son état d’esprit. On y entend en effet un Nick Cave euphorique, volontiers blagueur et très complice avec les spectateurs. Des intermèdes qui contrastent avec l’ambiance des morceaux interprétés, « Ghosteen » étant, comme déjà mentionné, un album post-deuil, et « Carnage », ne serait-ce que de façon allusive, le récit d’une année comme aucune autre, où le monde plongé dans la pandémie était au bord du gouffre.

Et, qu’on ne s’y trompe pas, toute la puissance, la beauté et la tension dramatique des morceaux des deux albums sont bien présentes dans l’interprétation des morceaux. Côté beauté, la présence de choeurs aux côtés des deux musiciens joue son rôle à plein pour porter le force céleste de Ghosteen, la fibre élégiaque et incertaine de Lavender Fields, entre autres exemples. Quant à Nick Cave, il ne manque pas l’occasion de nous prendre littéralement aux tripes sur l’incroyable épopée fantasmagorique et dramatique qu’est Hollywood, avec des modulations de voix insensées, et nous donne des frissons quand il semble soudain piquer une couleur noire et fait enfler jusqu’au paroxysme Hand Of God. Et la performance prouve s’il en était besoin qu’il tient avec Warren Ellis un comparse irremplaçable, maître des climats sonores, grand ordonateur sur l’ensemble des morceaux.

Mais ce contraste entre la légèreté affichée par Nick Cave et l’intensité dramatique de la musique est l’illustration de ce qu’est Nick Cave aujourd’hui et de ce qu’il ressent profondément : plus que toute autre forme d’art, la musique a le pouvoir de véhiculer et transcender toutes les émotions, même les plus intimes et les plus sombres. Et quand, comme lui, on parvient à ce niveau d’intensité via son art, en surmontant les pires épreuves de la vie, il y a de quoi être euphorique.

Rédacteur en chef

Tracklist

  1. Spinning Song - Live At The Sydney Opera House
  2. Bright Horses - Live At The Sydney Opera House
  3. Night Raid - Live At The Sydney Opera House
  4. Carnage - Live At The Sydney Opera House
  5. White Elephant - Live At The Sydney Opera House
  6. Ghosteen - Live At The Sydney Opera House
  7. Lavender Fields - Live At The Sydney Opera House
  8. Waiting For You - Live At The Sydney Opera House
  9. I Need You - Live At The Sydney Opera House
  10. Cosmic Dancer - Live At The Sydney Opera House
  11. Breathless - Live At The Sydney Opera House
  12. Hand Of God - Live At The Sydney Opera House
  13. Shattered Ground - Live At The Sydney Opera House
  14. Galleon Ship - Live At The Sydney Opera House
  15. Leviathan - Live At The Sydney Opera House
  16. Balcony Man - Live At The Sydney Opera House
  17. Hollywood - Live At The Sydney Opera House
  18. Ghosteen Speaks - Live At The Sydney Opera House