"> Sarah P. - Maenads - Indiepoprock

Maenads


Un album de sorti en chez .

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Nouveau EP pour Sarah P., celui d'un retour aux racines, antithèse d'un repli identitaire.

La découverte de Sarah P. est de celles qui nous ravissent d’oeuvrer au sein d’un média musical. A l’automne 2017 paraissait un nouvel extrait de « Who Am I », son premier album. On écoute, on est séduits par le titre, on a envie d’aller plus loin et d’écouter l’album en entier. Le côté à la fois direct, évident de l’électro pop de Sarah, allié à un sens certain de l’écriture et à un chant habité qui laisse deviner un propos tout sauf vain, nous convainc d’avoir bien fait de suivre notre instinct. Et que dire de la suite ? Sarah s’est attaquée, avec aplomb et brio, au répertoire de Nine Inch Nails le temps d’une reprise de haut vol qui rendait honneur à l’original tout en affirmant sa sensibilité et la force de sa personnalité. Enfin, à l’été dernier, il y a eu la vraie rencontre avec Sarah à Berlin, où elle réside en alternance avec Athènes, sa ville d’origine, rencontre tout en simplicité d’une jeune femme qui, du haut de ses vingt-huit ans, est déjà riche d’expériences, riche de culture, curieuse, ouverte, et porte un regard sans concessions sur le monde de la musique, ses travers, et le monde en général. Elle nous avait alors confié que, comme souvent quand on vit en dehors de son pays d’origine, les racines battent le rappel et que ses nouvelles compositions en porteraient la trace. « Maenads », ce nouvel EP qui paraît aujourd’hui avant un nouvel album l’an prochain, en est le résultat.

Les ménades, dans la mythologie grecque, sont les accompagnatrices de Dyonisos, femmes possédées qui personnifient les esprits orgiaques de la nature (cf wikipedia). Les ménades étaient réputées pour n’en faire qu’à leur tête, n’écouter personne, une définition qui correspond bien à l’esprit de Sarah, très attachée à l’affirmation des femmes dans notre société. Dans son nouveau EP, on trouve un hommage à Athènes dans Maenads, ville mal élevée dans laquelle les éléments les plus radicaux de nos gilets jaunes passeraient pour des gens légèrement turbulents, mais tellement attachante pour son côté bigarré et vivace en dépit de tout, mais surtout une mise en perspective du passé pour mieux appréhender aujourd’hui et l’avenir, à travers l’évocation d’une époque plus insouciante (Mneme), ou la résonance d’une histoire personnelle dans Cybele’s Dream, dans laquelle Sarah évoque ses grands-parents, forcés de quitter Smyrne et de devenir des migrants pour s’installer en Grèce dans les années 20, ce qui n’est bien sûr pas sans rappeler une actualité qui secoue le quotidien de l’ensemble des Européens. Cette démarche qui consiste à dresser des ponts entre passé et présent, histoire personnelle et grande histoire, à aller chercher ses racines pour mieux s’ouvrir aux autres n’est en soi pas novatrice mais n’en témoigne pas moins de la consistance artistique de Sarah P., qu’on ne pourra certainement pas taxer d’être une « chanteuse » parmi d’autres.

Il ne faut néanmoins pas tomber dans l’excès et se mettre en tête que Sarah est une donneuse de leçons à l’univers rébarbatif. Au contraire, ses morceaux ne sont jamais inutilement bavards et la grande qualité de « Maenads » est d’apparaître comme un pas en avant sans détruire les fondations de sa musique qui reste très accessible. Concrètement, on notera un peu plus d’intériorité, un grand soin apporté au « climat » de chaque morceau, faits d’arrangements soignés (le léger tapis de cordes de Mneme, les gimmicks sophistiqués de Cybele’s Dream), le recours à un chant susurré, presque parlé par instants, qui convient parfaitement au grain de voix touchant de Sarah. « Maenads » est ainsi un EP qui s’invite sans brutalité et qui, petit à petit, se dévoile, s’installe et finit par tourner en boucle. Cybele’s Dream, par sa structure à la fois planante, légèrement mélancolique et tortueuse, est certainement le sommet du disque et même un des plus beaux morceaux de l’année. Même si la filiation n’est pas forcément évidente, par son ambiance, le morceau rappelle les plus beaux moments de The Cure sur leur chef d’oeuvre « Disintegration ». Et ça, c’est plus qu’un compliment. Pas après pas, Sarah P. s’affirme et gageons que les plus belles pages de son oeuvre sont encore à venir. Vivement !

 

Rédacteur en chef

Tracklist

  1. Sappho's Leap
  2. Mneme
  3. Lotus Eaters
  4. Cybele's Dream
  5. Maenads

La disco de Sarah P.

Plotting Revolutions8
80%
Maenads9
90%

Maenads

Who Am I8
80%

Who Am I