Le premier album solo de l'Athénienne relocalisée à Berlin.
Quand on évoque Berlin et la musique, on pense évidemment aux années où la ville était séparée par un mur et à la période où Berlin ouest était devenue le centre de la contre-culture européenne, où Lou Reed, David Bowie, Nick Cave et bien d’autres sont venus vivre et travailler, stimulés par le bouillonnement créatif qui émanait de cette ville à l’histoire forcément à part. Après la chute du mur, Berlin est devenue et est encore le coeur de la » culture club » où sévit la techno, musique qui, par définition, ne s’invite que rarement sur disque, en tout cas pas dans un format album au sens premier du terme. Et, paradoxalement, alors qu’on ne cessait de parler de Berlin comme de « the place to be », de ce constant bouillonnement et de sa douceur de vivre, à quelques exceptions près, peu de disques vraiment marquants y ont été enregistrés ces dernières années. Néanmoins, 2017 est en passe d’inverser la donne. Depuis le début de l’année, on vous a en effet parlé de « Closure », le nouvel album d’Adna, du premier album plus que réussi du duo Lea Porcelain, « Hymns To The Night », Tricky, qu’on ne présente plus, vit à Berlin depuis deux ans et y a composé « Ununiform », son dernier disque, et aujourd’hui, même si le disque date du printemps, voilà qu’arrive Sarah P. à nos oreilles. En soi, soyons clairs, ces artistes ont des univers et une sensibilité différents. Mais, en dépit d’origines également diverses, ils ont trouvé à Berlin l’état d’esprit, le terreau et surtout les structures propices à la diffusion de leur créativité, point commun qui n’est tout de même pas neutre.
Sarah P., de son vrai nom Sarah Psalti, est originaire d’Athènes et est arrivée à Berlin en 2014 pour y poursuivre sa carrière en solo après quelques expériences en duo. Et, s’il fallait absolument décrire ce qu’il y a de « berlinois » dans sa musique, on citerait volontiers son côté ouvert, non corseté, tranquille, sans non plus le surinterpréter. Ce qui séduit ici n’est pas la certitude d’avoir découvert une artiste avant-gardiste mais plutôt celle d’avoir affaire à un album soigné, évident par moments, plus complexe à d’autres, serti de mélodies limpides mais jamais faciles, un album plein de dynamiques variées, portées par une voix séductrice d’emblée et des arrangements électro qui offrent à l’ensemble un canevas sonore intrigant sans jamais perdre l’auditeur. Aux premières écoutes, ce sont Lovestory ou Instead Of You qui retiendront l’attention via leur côté solaire et serein. Puis, petit à petit, on revient à des pièces qu’il faut prendre le temps de saisir en profondeur. Forgetregret et Away From Me notamment entrent dans cette catégorie. D’abord, on commence par passer outre les sonorités et les effets de voix qu’on aurait tendance à trouver trop « propres », trop arrondis, pour découvrir qu’au contraire Sarah P. dispose d’un répertoire vocal plus riche qu’on ne l’aurait pensé. Ensuite, on apprécie la façon dont les morceaux se révèlent par petites touches, sortent de leur réserve initiale pour susciter une véritable émotion.
Finalement, cet album, avec son titre a priori tout simple et sa pochette en léger flou, s’avère soigné dans les moindres détails. Car, pour comprendre qui est Sarah P., il faudra se montrer plus patient qu’on ne le croit de prime abord, aller au delà des apparences pour obtenir une vision d’ensemble plus nette. Le charme inaltérable de la découverte, en somme…
- Publication 1 089 vues21 novembre 2017
- Tags Sarah P.Erase Restart
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Tracklist
- A Letter from Urban Street
- Forgetregret
- Away from Me
- Instead of You
- Lovestory
- Summer Prince
- Who Am I
- Millennial Girl
- To You
- Berlin During Winter