The Chemical Brothers

Il y a deux façons de voir l’évolution de la carrière des Chemical Brothers depuis "Come With Us". Un assez large consensus se dégage pour reconnaître que leurs trois premiers albums ont contribué à convertir les fans de rock au big beat et fait éclater les cloisons entre genres. Les avis sont plus partagés sur la suite : certains verront ainsi dans les derniers efforts des frangins un simple retour aux bases de leur style, sans grand intérêt, et où il est surtout question de gérer le fonds de commerce. Une autre approche plus nuancée consiste à observer que les Brothers sont encore là tandis que nombre de leurs congénères ont disparu depuis longtemps, qu’ils pondent à chaque album quelques singles imparables, et que la liste des "invités" conviés à s’ébattre avec eux sur chacun de leurs albums est une vitrine de ceux qui font l’actualité dans la pop, le hip-hop ou le folk.

"We Are The Night" s’inscrit dans cette lignée. On retrouve ainsi au générique, entre autres, Klaxons, Midlake ou Willy Mason… Les jeunes Klaxons ont d’ailleurs l’honneur de dégoupiller la première grenade de ce disque sur All Rights Reversed, qui accroche par sa mélodie et ferait se déraidir la statue du commandeur avec son rythme "tranquillement endiablé". Sur Saturate ou Do It Again, les Chemical Brothers assurent le service minimum avec un savoir-faire qui a fait leur succès et qui rerprésente également leur limite.

A l’exception de ces moments, l’album opte pour un certain apaisement, on obtient même un nombre de ballades qu’on avait plus vu depuis Surrender. Ainsi sur The Pills Won’t Help You Now ou Battle Scars, les arrangements électro ne sont là que pour accompagner les mélodies délicates portées par Midlake et Willy Mason. Une tendance qui donne une des clés de la longévité des Chemical Brothers : une capacité à faire rentrer les autres dans leur univers, dans leur musique. Mais également une capacité à faire le chemin inverse, à se mettre derrière d’autres personnalités sans oeillères, en proposant néanmoins une vision qui leur est propre. Alors, certes, "We Are The Night" n’est pas un disque bouleversant, mais ce n’est pas un disque de sur-place non plus ; il freinera à coup sûr l’élan de ceux qui voudraient ranger trop vite les Chemical brothers au rayon des anciens inutiles.