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Outre cela, Liège c’est aussi la doyenne des villes industrielles belges, le Standard et l’enfer de Sclessin, sa gastronomie fine (boulets-frites-sirop-laquemants), sa toute nouvelle gare TGV (réalisée par Santiago Calatrava) et la Meuse qui longe le site du festival…
Cette année, l’affiche est diversifiée, fortement urbaine… Tous les styles, ou presque, passeront en revue, du folk au rap, en passant par l’électro et le post-punk. Cette diversité musicale a donné ses lettres de noblesse au festival liégeois. Imaginez-vous Nikki Minaj, qui se produit peu en festival, a accepté de venir trémousser son popotin aux Ardentes 2015.
En cette première journée, le soleil tarde à pointer le bout de son nez, un peu comme les festivaliers. Mais en soirée, il abonde, tous comme les 14.000 festivaliers (très jeunes pour la plupart) venus rejoindre le site. Le ton est donc donné, la journée sera celle de la tête d’affiche : Kendrick Lamar.
Mais avant lui, les artistes présenteraient-ils peu d’intérêt ? Non, mais en dehors des musiques dites urbaines, l’affiche était quelque peu légère : Stuff, The Dø et Coeur de Pirate…
Le collectif anversois et gantois de Stuff s’intègre à merveille dans le paysage sonore dédié à la journée, brassant du funk, du rock et même du hip-hop. Stuff, c’est un peu la rencontre du punk-rap des Beastie Boys avec le groovy-rock des Fun Lovin Criminals. Mais avant eux, nous nous sommes dirigés vers l’Open Air pour découvrir Flatbush Zombies dont le descriptif semble alléchant rien qu’aux artistes dont ils se sont entourés… Au final, le groupe a besoin de lancer Smells Like Teen Spirit pour remettre l’ambiance dans l’assistance et lorsqu’ils lancent un Thank you for your fucking Town, on se dit, là, les gars il faut sortir de votre bulle… Vous n’avez pas regardé, juste avant vous, le concert de La Smala ? Non ce n’est pas grave, restez, car après vous, c’est Starflam, vous prendrez des leçons ! Starflam, ce mythique groupe de hip-hop liégeois qui ne change pas malgré les années. Dès leur entrée en scène, on constate que le combo a gardé son esprit critique, son implication dans la politique : un d’eux étant habillé d’un maillot de foot aux couleurs de la Grèce. La foule est au rendez-vous, l’ambiance monte…
Mais pas le temps de rester, nous nous sommes promis d’assister au concert de The Dø, sorte de séance de rattrapage suite à l’annulation aux récentes Nuits du Bota. D’entrée de jeu le duo transformé en quartet pour l’occasion commence son set par son morceau Oh My Shoulders, histoire de mettre tout le monde au parfum ou de se débarrasser d’un titre phare qui ne colle pas trop avec son dernier album, c’est selon, mais nous on penchera plutôt pour la seconde supposition. Durant une heure entière, Olivia se déhanchera avec son kimono (parfois grand) ouvert sur sa poitrine. À elle seule, elle assurera le spectacle, allant même jusqu’à devenir rock’n’roll en crachotant de l’eau sur la scène… À la sortie, elle ne refusera pas non plus quelques photos avec des fans privilégiés.
La suite de la soirée, c’est Kendrick Lamar venu défendre, ou présenter c’est selon, son dernier opus « To Pimp A Butterfly« . Le rappeur de Compton nous envoie bien sûr ses morceaux phares tels I, Bitch, Don’t Kill My Vibe, Poetic Justice, King Kunta ou m.A.A.d City, mais au-delà de ces perles, c’est la prestation entière qui est à retenir : charisme, professionnalisme des musiciens l’accompagnant et show visuel sont au rendez-vous. Que demander de plus !
14:40Hr, Parc Astrid… Open Air… Arrive sur scène un gars, pas très grand, à la démarche et au style californiens : jeans, t-shirt blanc visiblement épais sous une chemise manches longues, mais retroussées, lunettes de soleil et cheveux tirés en arrière. Ce mec, c’est Hanni El Khatib et au vu du public clairsemé sur la plaine, soit nous ne sommes qu’une cinquantaine à connaître sa discographie, soit Liège dort encore… Sous une trentaine de degrés Celsius, HEK débute son concert par Moonlight, son dernier single en date. Visiblement, tout au plus 250 personnes semblent véritablement intéressées par le rock garage poussif que nous délivre abondamment le Californien. Il s’excuse même de ne pas être bavard vu son temps de scène assez court (ndlr : 40 minutes). Nous, nous avons apprécié et des morceaux comme Family, Pay No Mind, The Teeth, You Pascal You et Two Brothers en clôture sont réellement taillés pour le live. Dommage pour le gâchis dû au manque d’affluence, tout comme en 2013…
Ensuite, direction Feu!Chatterton sous le HF6 où le public semble avoir trouvé refuge pour échapper aux rayons de soleil… Ah non, pardon, la remarque ne plaît pas à nos voisins qui nous annoncent que, Feu!Chatterton, c’est le rock de la nouvelle scène française, dans la veine de Fauve… Ah oui, ceux-là mêmes qui ont volé le nom de scène d’un artiste suisse… Et bien, notre impression des 15 premières minutes est qu’il en va de même avec Feu!Chatterton qui semble user et abuser de références des personnages qui ont écrit les lettres de noblesse du rock français… Mais il faut reconnaître que passé ce premier quart d’heure, le groupe se libère, se lâche, surtout le chanteur et la qualité de la prestation s’en ressent, le rock devient enfin spontané et, qui sait, on tient peut-être ici la véritable relève du rock français.
La suite de la journée nous voit rougir sous les structures solaires des composions du quatuor anglais Temples. Si le rock psychédélique ne se raconte pas, c’est qu’il est difficile pour nous d’expliquer les sensations perçues pendant la prestation des protégés de Johnny Marr… D’ailleurs, nous ne trahirons pas notre ressenti et il vous faudra assister à un concert de Temples pour comprendre ces bienfaits. Par ces quelques lignes, on ralliera la cause demandant une suite à Sun Structures au risque de s’en lasser trop rapidement.
Le début de soirée commencera au HF6 par les toujours très bons BRNS, même si on les voit un peu trop partout en Belgique. Les Bruxellois nous gratifieront, pour l’occasion, d’un morceau inédit… Suivront Hercules & Love Affair, sorte de bâtard croisé entre de la techno et de la house des années 90 et qui vaut le détour rien que pour son single Blind, mondialement connu.
Le clou du spectacle ce vendredi, selon nous, c’est l’adulte immature qu’incarne sur scène Baxter Dury. L’énergumène ne peut pas rester plus de deux minutes sérieux et ce n’est pas parce qu’il a grandement adopté le breuvage local qu’il nous a conquis. Non, c’est son côté ‘je-m’en-foutiste’ d’ado blasé que rien n’atteint qui contraste avec son talent de chanteur-auteur-compositeur qui nous a charmés. Bien qu’actif depuis 2001, c’est en 2011 que sa carrière perce avec son album « Happy Soup » et ses pépites disco-pop. Sur scène, cette maturité musicale se ressent et elle lui permet donc de jouer au pitre, au dernier de classe ou à l’emmerdeur avec sa claviériste… Le dandy espiègle nous a démontré qu’il n’est plus le gamin qui pose avec papa devant une vitrine de lingerie sur une pochette d’album, loin de là !
Troisième jour… Le soleil est toujours présent mais cogne moins… Le public encore absent… Gaz Coombes doit se dire que plus il vient à Liège, plus il est programmé tôt dans la journée et forcément moins il a du temps de scène ! Pourtant, l’ancien leader de Supergrass ne démérite pas, essayant de satisfaire ses auditeurs avec une qualité sonore excellente. D’entrée de jeu, Gaz Coombes s’installe derrière son synthé et débute son concert avec Buffalo. On adorera aussi l’interprétation exemplaire de The English Ruse, morceau au cours duquel Coombes et ses acolytes appuieront volontiers sur la pédale des Gaz…
La journée étant essentiellement dédiée aux personnages mûrs du rock, nous avons pris rendez-vous avec The Charlatans au HF6. Les Anglais comptent dans le public quelques adeptes, on remarquera des quadragénaires portant des t-shirts à l’effigie des Stone Roses ou Happy Mondays, tout ceci nous rappellera que le groupe est lui aussi issu du ‘Madchester’. Ce qui nous frappe, outre la qualité de la prestation et de la setlist, quelques nouveaux morceaux à peine pour plus d’anciens, voire de très anciens (The Only One I Know), c’est la coiffure du chanteur, Tim Burgess. Celui-ci arbore une coupe à la Mireille Mathieu, mais en blond et avec des capoules tombant sur le menton. Au final, le dernier opus du groupe « Modern Nature » se marie à merveille avec les morceaux des albums plus anciens comme « Some Friendly » ou « Meltin Pot ».
Dès la fin des Charlatans, direction l’Aquarium pour assister à The Experimental Tropic Blues Band présentant The Belgians… Un show son et vidéo… qu’un non-Belge aurait dur de comprendre. Après une version électrisante de la Brabançonne en guise d’introduction, le trio punk va dérouler une heure durant ses compositions courtes mais intenses sur fond de vidéo relatant les différents divers marquants de l’histoire plus ou moins récente de la Belgique… Des Diables Rouges au retour de ‘Mexico 86’ à la fusillade de la place St-Lambert à Liège, en passant par l’évasion de Dutroux. Le public présent est survolté, surtout devant la scène et le trio liégeois lui le sera tout du long même quand Plastic Bertrand dans leur vidéo les nommera The Excremental… Bref un vrai moment d’auto-dérision qui allait le détour.
Ensuite, nous brosserons le concert de Paul Weller et mal nous en a pris à la suite de discussions avec d’autres festivaliers, la prestation aurait été tout simplement grandiose, de là à pouvoir jauger de l’objectivité de nos interlocuteurs, il n’y a qu’un pas que nous ne franchirons pas…
Cependant la soirée se clôturera en beauté avec tout d’abord un Iggy Pop en forme olympienne qui enchaînera, après No Fun en guise d’introduction, I Wanna Be Your Dog, The Passenger et Lust for Life… Au fil du temps, l’Iguane faiblit, mais peut-on vraiment lui en tenir rigueur ? Non, bien sûr tant le parrain du punk est généreux. Le seul bémol de ce concert viendra des musiciens l’accompagnant, un poil trop carré dans leur reproduction des mélodies et surtout sans aucune fantaisie.
Ensuite monteront sur scène les déjantés Suédois de The Hives. Pendant soixante minutes, le groupe de Fagersta déroulera son set avec une énergie inégalable. Du Come On! à Hate to Say I Told You So, en passant par Take Back the Toys, Walk Idiot Walk ou Main Offender le groupe sautera, se déhanchera, crachera sur scène l’équivalent de deux seaux de dix litres, mais à aucun moment ne péchera par orgueil. Howlin’ Pelle Almqvist fera même plusieurs allers et retours dans la travée séparant la plaine en deux tout en frappant les mains de ses fans. Des apothéoses de ce calibre, on en redemande aux Ardentes !
En ce dernier jour, une certaine fatigue se ressent sur le site… Mais le dimanche étant souvent une journée plus familiale, on se dit que la pluie de gâchera pas notre plaisir. Côté familial, il y a Alice On The Roof qui montre le mauvais exemple à nos chérubins en se promenant sur les faîtes de nos habitations… Par contre, il ne fallait surtout pas venir avec des enfants, sous peine de les traumatiser, pour assister au set de Sleaford Mods, duo de Nottingham pratiquant une sorte de spoken words à la sauce hip-hop versus punk. Le résultat est magnifique et au travers de l’attitude scénique de Jason Williamson, nul doute que l’on perçoit la rage militante des sujets abordés comme les inégalités sociales ou la dérive d’une société de consommation.
En attendant le Black Rebel Motorcycle Club, la curiosité nous gagne concernant Nekfeu que beaucoup encensent… La poésie du rappeur français (Ta mère la pute) suffira à nous décider de prendre nos jambes à notre cou… Malheureusement, BRMC doit faire face à un contretemps dû à un problème d’électricité… Avec presque trente minutes de retard, le trio de San Francisco déroule un set puissant, puisant tantôt dans la country, tantôt dans le hard-rock… Mais l’essentiel est là, Leah Shapiro a une nouvelle coupe de cheveux qui lui siéd à merveille et Robert Levon Been arbore toujours fièrement son T-shirt du « Dark Side Of The Moon » de Pink Floyd. La foule est en liesse sur Spread Your Love.
Pour terminer cette édition 2015 des Ardentes, Erlend Øye assurera le minimum syndical sans énergie, mais avec précision sur la reprise de Remind Me de Röyskopp à qui il a déjà prêté sa voix.
Balthazar, lui, accède au trône qu’il mérite amplement dans un HF6 presque trop petit pour les accueillir. La relève de dEUS est là, mais ils manquent encore aux Courtraisiens, ce petit quelque chose pour remuer les foules malgré une setlist de rêve. Notre bouquet final aux Ardentes se nommera Metronomy. Joseph Mount et sa bande de musiciens multi-instrumentalistes-chanteurs enverront Liège sur une autre planète : un corps céleste jusque là méconnu composé de couleurs vives et de sonorités joyeuses…
Pour la petite histoire, on se demande si la Route des Saveurs porte encore bien son nom après y avoir installé les Pizza-Burgers d’un certain Docteur réputé pour la qualité des exhausteurs de goût qu’il injecte dans ses surgelés…