FKA twigs

FKA Twigs publie une mixtape séduisante et raffinée.

Ceci n’est pas un album. Nulle volonté de parodier Magritte mais le fait est que cette nouvelle parution de FKA Twigs est présentée comme une mixtape et non un album à part entière. La notion de mixtape en elle-même étant devenue floue, rappelons qu’il s’agit habituellement d’un format sur lequel un artiste compile différents titres au fur et à mesure, sans la recherche de cohérence et d’unité qui fait la nature d’un album. FKA Twigs faisant partie des artistes qui incarnent le mieux la notion d’album, la preuve avec les deux superbes recueils qu’elle a déjà publiés, la nuance prend une certaine importance. Toujours dans l’esprit de la mixtape, on retrouve quelques prises et interludes « sur le vif », et de nombreux morceaux ont été enregistrés avec des featurings d’autres artistes, dont The Weeknd, Pa Salieu, entre autres. Enfin, puisque c’est l’époque, précisons que la plupart de ses morceaux ont été écrits et enregistrés en 2020, quand il fallait bien remplir les journées en temps de confinement…

Au-delà de ces précisions, « Caprisongs » reste un recueil de chansons soigné, abouti, assez loin de l’aspect « work in progress » ou foutraque que peuvent parfois prendre les mixtapes. Sur le fond, « Caprisongs » révèle une facette plus directe, plus limpide de FKA Twigs. Rappelons, si on veut préciser ce qui fait sa particularité, que c’est une des rares artistes du moment qui évolue à la fois dans un univers très connoté « mainstream », sa musique étant mâtinée de R’n’B, tout en y ajoutant une composante electro ambitieuse et même expérimentale qui l’éloigne de beaucoup des pseudo-divas qui envahissent les ondes FM. Alors, qu’elle qui a confié sur ses deux albums la production à des sorciers du son comme Arca ou Nicolas Jaar, opte cette fois pour un tapis sonore plus simple et direct n’a pas tardé à faire dire à certains qu’elle se rapprochait désormais d’une musique qui ne tarderait pas à lui ouvrir grand les portes du succès de masse. Objectivement, même à l’écoute répétée, on en doute.

Certes, « Caprisongs » a tout pour certainement être un des disques les plus légers qu’on écoutera cette année, mais ne tombera même pas dans la catégorie des plaisirs coupables. En termes d’arrangements, si tout est ici moins épais, plus discret, entre la trap et la drum’n’bass, raffinement et sophistication sont toujours de mise, il n’y a qu’à écouter le délicat Lightbeamers pour s’en convaincre. Ensuite, si on sent que les notions de légèreté et de plaisir ont présidé aux destinées de morceaux comme Tears In The Club ou plus encore Papi Bones, « Caprisongs » reste souvent un modèle d’écriture, qui lorgne largement vers la pop. Et les plus beaux morceaux, Meta Angel, Lightbeamers, Oh My Love, sont avant tout des perles d’écriture mélodique. Enfin, FKA Twigs confirme ici ses immenses progrès en tant que chanteuse, déjà déployés sur « Magdalene ». Ici, c’est sans le moindre effort apparent qu’elle passe de son falsetto habituel à un rythme plus « rappé » sur Oh My Love, glisse sans coup férir dans l’émotion sur Meta Angel. Une virtuosité de chanteuse qui fait même parfois de l’ombre à ses featurings. Ainsi, le temps de Jealousy, si le dénommé Rema « fait le job », le registre dans lequel on le sent capable d’évoluer paraît bien étriqué comparé à sa comparse d’un morceau. Aussi bien armée, FKA Twigs va encore aller très loin, et ne délaissera ni son ambition ni son intransigeance, on n’en doute pas un instant.