Le premier album de la jeune Anglaise dans le radar de pas mal de monde.
Sortir un premier album en plein mois d’août, alors que beaucoup ont plus l’esprit branché sur la température de la mer que sur l’actualité musicale, ça peut paraître étrange. Mais dans le cas de Tahliah Barnett, alias FKA twigs, pas trop de souci à se faire, ce serait même plutôt l’inverse : ses deux EP publiés respectivement en 2012 et 2013 ont contribué à en faire une des sensations annoncées de cette année et, petit coup de pouce du destin, pas plus tard que le mois dernier, Anna Calvi sortait un EP de reprises et, parmi les cinq titres, on retrouvait le Papi Pacify de… FKA twigs. Des fois que certains soient passés à côté jusque-là, l’écueil était réparé. Enfin, en cette période de grand calme musical, « LP1 » focalise toute l’attention ou presque. Mais d’abord, pourquoi un tel engouement autour de ce disque ? Parce que la jeune Anglaise a une voix enjôleuse qui ensorcelle l’auditeur ? En partie, sans doute. Parce que chacun des titres figurant sur ses deux EP a été accompagné d’une vidéo, démarche relativement originale qui a fait le buzz ? Plus sûrement, oui, et cela incite à la prudence, car les engouements excessifs, on connaît. Mais, musicalement, FKA twigs intrigue : car s’il fallait décrire le style dans lequel elle évolue, on penserait immédiatement au R’n’B. Mais un R’n’B atypique, délesté de la plupart de ses pesants atours habituels.
Les premières secondes de Preface, le court titre qui ouvre l’album, commencent toutefois par déstabiliser. On y entend la demoiselle se lancer dans des vocalises certes virtuoses, mais qui, quand apparaissent de petits sons electro, nous font craindre un instant d’avoir affaire à de la musique new age un brin indigeste. L’impression cède cependant très vite la place à l’envoûtement et, sans trop savoir pourquoi, il faut reconnaître que FKA twigs a vraiment un truc… Alors, « LP1 » est-il pour autant l’album que tout le monde a déjà envie d’adouber ? Sans jouer les pinailleurs, quelques détails invitent à garder la tête froide : côté production, où du beau monde s’est bousculé, même si Tahliah Barnett a globalement gardé la main, ce qui est au passage à mettre à son crédit, le choix de lisser la voix sur quasiment tous les morceaux et d’y ajouter comme un léger effet d’écho n’est pas sans rappeler ce qu’on peut entendre chez de pseudo-divas du hip-hop et du R’n’B avec lesquelles on préfère ne pas fricoter. Second petit bémol, FKA twigs s’en remet beaucoup, et parfois trop, à sa seule voix, justement, pour faire vivre ses mélodies. Mais, peut-être parce qu’il reste encore en elle une once de timidité, son chant manque d’ampleur sur Numbers ou Closer et ces morceaux peinent un peu à décoller.
Pour le reste, il ne faut pas nier que cet album a toutes les chances de s’incruster un peu partout et que c’est mérité. Le groove indéniable de sa musique devrait largement ouvrir les ondes à FKA twigs, et les plus exigeants y trouveront également leur compte. Car l’audace de Tahliah Barnett se glisse dans ses textes, à la fois subtils et sexuellement explicites, et dans son choix de livrer des pièces retenues et intimistes, en ne glissant derrière sa voix que quelques petits arrangements electro distillés avec une précision diabolique. Pour ne rien gâcher, l’écriture est la plupart du temps de haute volée et, à partir de là, il est vain de chercher à résister à Lights On, Two Weeks, Pendulum ou Video Girl, tous superbement interprétés. Bien sûr, si l’on décortique la musique de FKA twigs, on conclura qu’elle n’a rien inventé. Mais la démarche n’en est pas moins nouvelle, car un style jusque-là quasi-exclusivement pensé pour truster les charts rencontre ici une ambition généralement réservée à des musiciens plus habitués à la discrétion qu’à la pleine lumière.
- Publication 1 242 vues14 août 2014
- Tags FKA twigsYoung turks
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