Il faut bien le dire, depuis son apparition au début des années ’90, PJ Harvey a un peu "tué" la notion de rock féminin : entendre par là qu’il est quasi-impossible qu’une artiste féminine débarque dans le paysage musical armée de sa seule voix et d’une guitare électrique sans qu’on la compare à la diva du Dorset. Ce n’est évidemment pas illogique, mais c’est parfois un peu frustrant et réducteur, notamment lorsqu’on parle d’une personnalité comme Shannon Wright.

En effet, plus les années passent, plus les albums se succèdent et plus l’évidence apparaît : Shannon Wright s’impose comme une des figures à la carrière la plus accomplie dans le monde du rock indé actuel. Certains n’ont voulu voir en elle qu’une écorchée vive et l’ont dénigrée il y a quelques années lorsqu’elle a délaissé sa guitare pour un piano et un univers plus apaisé, plus lumineux, qui ne faisait pourtant que révéler un immense talent de composition et un refus salutaire de se laisser cantonner à une image. Avec "Secret blood", elle continue donc à tracer sa route, avec une basse, une batterie, une guitare, sa voix et deux trois autres petites choses, mais surtout avec un nouveau bouquet de chansons en forme de nouvel accomplissement. Palomino annonce un climat vaporeux, Violent colors et plus encore le superbement tendu Commoners saint renouent avec une urgence sur la corde raide, salutaire, qui prend aux tripes. Dim reader au contraire, impose une mélodie planante et On the riverside apparaît comme une ballade fragile, délicate, et surtout comme un bijou mélodique.

Tout l’album oscille ainsi entre cette tension à vif, qui éclate par moments et une sensibilité à fleur de peau, parfaite expression de la personnalité et du talent de Shannon Wright. Mais à aucun moment "Secret blood" n’apparaît comme un compromis pour satisfaire tout le monde. C’est juste un bel album, à la fois ample et modeste, à côté duquel il serait bien dommage de passer.