Inutile de chercher plus longtemps le plus bel album de pop spleenétique de ces dix derniers mois, la nouvelle mouture de Wild Beasts publiée en début d'exercice y fait office de prétendant légitime...
Le retour aux affaires de Wild Beasts, trois ans après le lumineux « Smother », pourrait tenir lieu d’un constat élémentaire, mais véridique. Autrement dit, « Present Tense » est de ces albums qui, dès les prospections initiales, dispose de toutes les caractéristiques pour rebrousser le chemin d’un bon nombre de mélomanes. Pourtant, « Present Tense » est aussi un de ces albums où l’on revient aussi régulièrement que de manière inattendue, que l’on soit heureux comme Ulysse ou, tout bonnement, à la recherche d’une once de quiétude après de longues journées harassantes, le moral en berne ou a deux doigts d’ingérer des cachous anxiolytiques.
Ce paradoxe, cultivé autour d’une pop taciturne et d’un électro minimaliste, est le sceau même de Wild Beasts. Que les rythmiques soient enlevées (comme sur l’introductif Wanderlust) ou apathiques au possible, le quatuor originaire de Kendal aime jouer sur les contrastes, s’efforçant à chaque note de conserver l’équilibre parfait entre un lyrisme subtil et son pendant ténébreux. Comme son titre l’en atteste par ailleurs, l’atmosphère générale se veut volontairement crispée, incarnée par une pesanteur mélodique où la tension émanant du monde moderne est impeccablement retranscrite entre des nappes monocordes et des brises glaciales de synthétiseurs, mais aussi par la phonation obscure de son leader Hayden Thorpe en juste concordance avec le contexte (Nature Boy, A Dog’s Life, Daughters, New Life…).
Heureusement, il réside dans la musique de Wild Beasts une pointe bienvenue de romantisme, fondamentale presque pour ne pas sombrer dans une torpeur irréversible. L’affaire donne lieu à de petites perles magnifiées par une nostalgie effective où Thorpe, vocaliste polyvalent qu’il est, échaude son timbre d’une douceur fragile, mais exquise sur des cantates à la gravité nuancée (Mecca, Pregnant Pause, Past Perfect…), certaines accompagnées par quelques notes de piano offrant, tel un semblant d’espoir au coeur d’un univers confus, un répit salutaire empli de légèreté. Plus haut encore, le quartet délivre trois morceaux pop plus tranchants (Sweet Spot, A Simple Beautiful Truth, Palace), distillés avec une pudeur et une inspiration remarquables en tout point, qui ne sont pas sans rappeler les belles heures de Talk Talk et du génial Mark Hollis à sa tête.
Si les références new-wave font parfois irruption comme le nez au milieu de la figure, Wild Beasts dresse pourtant le portrait d’un groupe de son ère, en proie aux marasmes d’une époque sectaire qu’il transpose avec intelligence et sophistication. Loin d’une pop aux vertus insouciantes, « Present Tense » amène à la réflexion et à la prise de conscience d’un monde décadent sans jamais noircir le trait, atténuant le malaise ambiant par des notes plus optimistes. La pilule s’avale d’autant mieux avec un disque de cette trempe, le sourire en prime…
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- Publication 992 vues18 décembre 2014
- Tags Wild BeastsDomino
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Tracklist
- Wanderlust
- Nature Boy
- Mecca
- Sweet Spot
- Daughters
- Pregnant Pause
- A Simple Beautiful Truth
- A Dog's Life
- Past Perfect
- New Life
- Palace
- Wanderlust - Factory Floor Remix
- Wanderlust - The Field Remix
- A Simple Beautiful Truth - Lone Remix
- A Simple Beautiful Truth - Djrum Remix
- A Simple Beautiful Truth - East India Youth Remix
- Mecca - Juan Atkins Remix
- Mecca - SOHN Remix
- Palace - Steve Moore Remix
- Palace - Foals Remix