A l’heure de « Doolittle », les Pixies ont déjà acquis, grâce à leur coup de maître précédent, une réputation des plus flatteuses, sinon une notoriété massive. Brûlant les étapes, ils s’orientent vers une approche moins hermétique, et s’offrent une production claire, un son plein et moins agressif, avec Gil Norton aux manettes. Si l’on s’éloigne de […]
A l’heure de « Doolittle », les Pixies ont déjà acquis, grâce à leur coup de maître précédent, une réputation des plus flatteuses, sinon une notoriété massive. Brûlant les étapes, ils s’orientent vers une approche moins hermétique, et s’offrent une production claire, un son plein et moins agressif, avec Gil Norton aux manettes. Si l’on s’éloigne de la radicalité de « Surfer Rosa », la formule s’avère en revanche totalement gagnante, et l’album s’offre le statut de classique instantané. Encore aujourd’hui, il figure toujours en très bonne place dans toutes les sélections de discothèque idéale…
Musicalement, le groupe est en pleine possession de ses moyens, et Black Francis semble pouvoir pondre trois chef-d’oeuvre à la minute… Il délaisse les morceaux les plus frontalement agressifs pour se concentrer sur la mise au point d’une formule imparable, basée sur un cocktail détonant de mélodies et d’énergie. L’alchimie avec la guitare de Joey Santiago et la basse de Kim Deal est totale. Dès l’ouverture, Debaser donne bien le ton, avec une ligne de guitare totalement ravageuse qui débouche sur des couplets furibards. Le dosage est beaucoup plus conservateur, et les Pixies perdent au passage leur côté « têtes brûlées » pour une présentation beaucoup plus sage – Tame, Gouge Away ou Crackity Jones attestent toutefois de la persistance d’une certaine force de frappe.
La pop au pouvoir selon les Pixies, c’est aussi une certaine euphorie, sensible sur le classique Here Comes Your Man, ou sur l’étrange La La Love You. Que dire enfin de Mr Grieves, sidérant coup de maître qui voit se téléscoper, en à peine plus de deux minutes, trois chansons différentes, aussi merveilleuses les unes que les autres. On pourrait le voir comme un exercice de style, démonstratif d’une virtuosité déconcertante ; c’est aussi et surtout une manifestation de génie pur et simple.
S’il recèle autant de facettes qu’une oeil de drosophile, « Doolittle » fait discrètement valoir son ambition derrière une façade de simplicité et de lisibilité. De ce point de vue, c’est certainement la plus belle réussite des Pixies pour cet équilibre miraculeux entre universalité et originalité. On ne peut s’empêcher de penser que le son offert au groupe par Steve Albini était le meilleur écrin pour ces chansons bizarres, mais dans une discographie aussi brève et paradoxalement riche que celle des Pixies, « Doolittle » tient une place à part : celle de la clé de voûte. C’est sur cette pièce que repose l’édifice, mais il n’est pas interdit de se sentir plus attiré par les bas-reliefs…
Pixies sur la route
Tracklist
- Debaser
- Tame
- Wave Of Mutilation
- I Bleed
- Here Comes Your Man
- Dead
- Monkey Gone to Heaven
- Mr. Grieves
- Crackity Jones
- La La Love You
- No 13 Baby
- There Goes My Gun
- Hey
- Silver
- Gouge Away