Nick Cave convie ses Bad Seeds à une grande célébration de la vie.
Il est inutile de revenir une fois de plus sur les épreuves que Nick Cave a eu à surmonter depuis près de dix ans ni sur sa capacité à les transcender sur disque ou sur scène. Ce nouvel album en compagnie des Bad Seeds, le premier depuis l’essentiel « Ghosteen » de 2019, était annoncé comme celui du retour à l’euphorie et à la vie après le grave et douloureux « Skeleton Tree » et le solennel et bouleversant « Ghosteen ». Wild God, le morceau qui donne son titre à l’album, lâché dès le mois de mars, avait annoncé la couleur avec sa dynamique bluffante et explosive. Pour autant, un album de Nick Cave est toujours le résultat d’un équilibre entre une volonté de donner une tonalité originale à chaque disque, celle d’assimiler les acquis des précédents et des éléments indissociables de sa patte artistique. En fil rouge, il y a bien sûr son amour immodéré pour le blues et le gospel, constitutifs de son oeuvre entière, le second étant ici à l’honneur. En plus des Bad Seeds, Nick Cave s’adjoint ainsi les services du Double R Collective, qui assure les choeurs pour donner encore plus de souffle et de spiritualité à l’ensemble, de Wild God au final magnifique et poignant de As The Waters Cover The Sea, sans oublier le spectaculaire Conversion. Une démarche qui rappelle celle entreprise sur « Abattoir Blues… » il y a vingt ans avec la présence du London Gospel Choir. En fil rouge également, il y a la voix de Nick Cave, encore et toujours ce qui se fait de mieux. On l’a connue rageuse, dévastatrice, solennelle et bouleversante, modulée comme jamais, presque anéantie par le chagrin, on la retrouve aujourd’hui assurée, posée, d’une ferveur jamais démentie pour faire monter à des sommets indépassables des morceaux comme Conversion, Final Rescue Attempt ou Joy.
Au rayon des acquis des albums précédents, il y a l’évolution depuis « Push The Sky Away » et le départ de Mick Harvey d’un climat sonore préalablement porté par le piano et la guitare vers des ambiances plus atmosphériques dues en grande partie aux boucles et plages de synthétiseurs élaborées par Warren Ellis. Sur « Wild God », elles sont toujours là, donnent le ton sur Final Rescue Attempt, Cinnamon Horses, mais davantage intégrées dans un tout, avec les choeurs, le piano, de sublimes arrangements de cordes.
Et pour trouver la couleur de « Wild God », il faut prendre tout cela et y ajouter la volonté de pleinement convier les Bad Seeds à la fête. Si leur qualité première a toujours été d’être au choix un groupe à la cohésion totale ou de savoir se faire discrets quand le climat général l’imposait – ce qui était déjà le cas sur « The Boatman’s Call » il y a plus de vingt-cinq ans et sur les deux derniers albums- « Wild God » marque leur retour au premier plan et ils s’en donnent à coeur joie. Le jeu de batterie de Thomas Wydler sur Wild God, Frogs ou Final rescue Attempt est exceptionnel, la ligne de guitare de George Vjestica sur Long Dark Night est impeccable. Il y a bien sûr aussi la construction de l’album en lui-même, qui démarre par trois morceaux euphoriques avant d’installer en son coeur une succession de ballades plus belles les unes que les autres, toutes portées par une audace formelle, avec bifurcations en milieu de morceaux, qui laisse pantois, avant un final qui serre la gorge sur O Wow O Wow, construit autour de la voix d’Anita Lane et en hommage pour elle, et le fulgurant gospel As The Waters Cover The Sea, qui frappe droit au coeur.
« Wild God » est l’album de la résilience ultime, celui qui vous dit que les douleurs ne s’oublient pas mais qu’il est possible de continuer à vivre et d’être heureux après avoir éprouvé le pire, qu’après avoir pleuré ceux qui sont partis vient le moment de célébrer ce qu’ils nous ont apporté et qui ne nous quittera jamais. Ceux qui ont déjà vu Nick Cave sur scène le savent déjà, ceux qui le verront prochainement comprendront pourquoi il est le plus à même de porter ce message. Car le regard de Nick Cave quand il est sur scène, la force qu’il dégage, la conviction totale qui l’habite dans ces moments est une des pulsions de vie les plus puissantes qui soient.
- Publication 765 vues2 septembre 2024
- Tags Nick Cave and The Bad SeedsBad Seeds Recordings
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Nick Cave and The Bad Seeds sur la route
Tracklist
- Song Of The Lake
- Wild God
- Frogs
- Joy
- Final Rescue Attempt
- Conversion
- Cinnamon Horses
- Long Dark Night
- O Wow O Wow (How Wonderful She Is)
- As The Waters Cover The Sea